CNCIS – 21e rapport d’activité 2012-2013

Les interprétations de l’article 66
de la Constitution en matière d’écoutes
administratives : autorité judiciaire ou tierce ?
Comme le rappelle Louis Favoreu, le Titre VIII de la Constitution
consacré à l’autorité judiciaire a longtemps été délaissé par la doctrine 1.
En particulier, l’article 66 était considéré comme une déclaration de principe dénuée de toute substance, un ajout symbolique défendu par le
professeur Marcel Waline lors de la rédaction de notre loi fondamentale.
René Chapus s’étonnait même de cette prévention à l’égard de la juridiction administrative qui, à ses yeux, « a cessé de pouvoir être suspectée de ne pas assurer une protection normale des droits et libertés des
administrés 2 ».
Néanmoins, dans le même temps, plusieurs décisions du Conseil
constitutionnel réaffirmaient avec force le statut de gardienne des libertés individuelles conféré à l’autorité judiciaire. En témoignent notamment 3 les décisions no76-75 du 12 janvier 1977 concernant la fouille
des véhicules, no 83-164 DC du 29 décembre 1983 et no 84-184 DC du
29 décembre 1984 concernant les perquisitions par l’administration fiscale, ou encore no 84-181 DC du 11 octobre 1984 concernant les visites
d’entreprises de presse ordonnées par la Commission pour la transparence et le pluralisme 4.
En outre, le juge constitutionnel ne distinguait pas de manière
rigide les activités de police judiciaire et administrative, au profit des
officiers de police judiciaire. En effet, le Conseil reconnaissait au législateur la faculté de confier à ces derniers « des missions de prévention
des atteintes à l’ordre public qui ressortissent normalement à la police
administrative 5 » sans que le principe de séparation des pouvoirs n’en
souffrît pour autant.
Or, dans les années 1980, la question des écoutes téléphoniques
offrit une nouvelle occasion de réaffirmer cette prérogative de l’autorité
judiciaire. La Cour de cassation établit ainsi pour la première fois un lien
entre cet enjeu et l’article 66 dans un arrêt de l’assemblée plénière en date
du 24 novembre 1989 (« affaire Baribeau ») 6. Il est vrai que la thématique

1) Louis Favoreu in « La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et l’article 66 de la
Constitution », Recueil Dalloz, 1986, chronique, p. 172.
2) Cité in Louis Favoreu, ibid.
3) Pour une énumération exhaustive, se reporter à Louis Favoreu, ibid., p. 173.
4) Cette dernière décision présente un intérêt particulier dans le cadre de la présente
réflexion puisque la commission en question relevait de la catégorie des autorités administratives indépendantes.
5) Décision no 80-127 DC du 20 janvier 1981.
6) Voir à ce sujet Pierre Kayser et Thierry Renoux, « La Cour de cassation et l’article 66 de
la Constitution : à propos de l’arrêt de l’assemblée plénière du 24 novembre 1989 sur les
écoutes téléphoniques », Revue française de droit constitutionnel, 1990, no1, p. 141.

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