CNCIS – 21e rapport d’activité 2012-2013

que l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales implique de pouvoir nouer des relations
avec autrui, en privé ou au sein du domaine public 1, de sorte qu’il y a
de fortes chances qu’une interception de données échangées entre des
personnes 2, même sur des réseaux publics, constitue une ingérence au
sens de l’article 8 de la Convention.
Pour la justifier il faut alors se demander, d’abord, si elle est prévue par la loi : ici, la réponse est à chercher dans l’arrêt du 2 septembre
2010 Uzun c. Allemagne 3, relatif à l’utilisation d’un procédé de géolocalisation, dans lequel la Cour européenne indique qu’en matière de surveillance secrète, la loi, qui doit être particulièrement précise eu égard
aux risques d’abus, doit, en termes clairs, indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la
puissance publique à recourir à de telles mesures 4. Toutefois, elle laisse
une marge de manœuvre à l’interprétation judiciaire pour compléter le
dispositif en vigueur.
S’agissant du fond, le droit interne doit offrir une protection contre
les ingérences arbitraires en développant diverses garanties afférentes à
la nature, l’étendue, la durée de la mesure envisagée, les raisons requises
pour l’ordonner, l’autorité compétente pour y recourir 5, son exécution et
son contrôle ou, entre autres, les types de recours offerts au justiciable.
Enfin, il faut s’interroger sur la nécessité de recourir à ce type de
procédé dans une société démocratique, le but poursuivi devant d’ailleurs être légitime. On pourra alors se référer aux motifs de l’opération :
la personne est soupçonnée d’une infraction extrêmement grave ou,
dans des circonstances très limitées, la cour admet même qu’un tiers
puisse être visé parce que soupçonné lui-même d’être en rapport avec
l’accusé 6.

1) Pour la cour, la collecte et la conservation systématiques d’informations par des services
de sécurité sur certains individus, même sans recours à des méthodes de surveillance
secrète, constituent une ingérence dans la vie privée de ces personnes : CEDH, Rotaru
c. Roumanie [GC], 4 mai 2000, no 28341/95 ; P. G. et J. H. c. RU, 25 septembre 2001 ; Peck
c. RU, 28 janv. 2003, no 44647/98 ; Perry c. RU, 17 juillet 2003, no 63737/00.
2) Que la loi qualifiera, de surcroît, de « réservées ».
3) CEDH, Uzun c. All, 2 septembre 2010, no 35623/05.
4) CEDH, Uzun c. All, préc., § 61.
5) L’intervention ou le contrôle par un juge étant évidemment un élément favorable : CEDH,
Uzun c. All, préc., § 71.
6) CEDH, Uzun c. All, préc., § 70.

28

CNCIS 2013_MP2.indd 28

22/11/2013 09:31:33

Select target paragraph3