CNCIS – 21e rapport d’activité 2012-2013
temporaire de la décision de refus d’autorisation. La sécurité nationale et
ses impératifs ne seraient donc pas affectés de ce fait mais on aurait ainsi
procédé à un rééquilibrage juridiquement et symboliquement important
entre la règle (l’autorisation préalable indépendante) et l’exception (la
décision discrétionnaire imposée par les circonstances).
Le troisième aspect qui mériterait de retenir l’attention d’un futur
législateur pourrait avoir trait à la difficile question de la judiciarisation des
interceptions. L’article L. 242-8 du Code de la sécurité intérieure prescrit
en effet que « les renseignements recueillis ne peuvent servir à d’autres
fins que celles mentionnées à l’article L. 241-2 », ce qui – cumulé avec
la classification systématique de toutes les décisions et transcriptions
d’interception – empêche, sauf exception, que l’existence et les résultats
des interceptions de sécurité puissent être transmis à l’autorité judiciaire
et verser en procédure. Certes, cette interdiction est tempérée par le fait
qu’elle s’exerce « sans préjudice de l’application du deuxième alinéa de
l’article 40 du Code de procédure pénale », ce qui permet aux services
concernés de dénoncer au parquet des faits nouveaux susceptibles de
révéler la commission d’un délit ou d’un crime. On pourrait cependant
souhaiter qu’il soit plus facile à l’autorité administrative d’exploiter judiciairement des résultats de renseignement lorsqu’il s’agit d’un domaine
donnant lieu à répression pénale. L’argument qui est souvent opposé
à une telle production en procédure tient au fait que ces interceptions
n’ont pas le caractère d’un acte de procédure effectué par un officier de
police judiciaire et sous le contrôle d’un juge et que la loyauté et la crédibilité d’un tel renseignement pourraient facilement être contestées par la
défense. Mais cet argument n’est pas totalement convaincant.
On connaît déjà en effet des cas dans lesquels les résultats d’un
acte techniquement couvert par le secret de la défense nationale peuvent
être produits en justice : c’est le cas du décryptement de certains fichiers
utiles à l’enquête pénale et pour lequel la juridiction concernée choisit
de recourir à des moyens couverts par le secret de la défense nationale
(articles 230-1 à 230-5 du Code de procédure pénale). Dans un tel cas, est
prévue une procédure particulière permettant de concilier le respect du
secret et la nécessaire information des juges et des parties. On pourrait
donc s’en inspirer pour permettre que la transcription d’une interception
de sécurité utile à la justice puisse être déclassifiée (après avis favorable
de la CCSDN) et qu’un minimum d’éléments d’information touchant aux
conditions d’exécution de l’interception soit communiqué, en respectant
les règles fixées par la jurisprudence de la cour de Strasbourg en ce qui
concerne le recours aux preuves secrètes.
En conclusion, et pour compléter les différentes pistes de réforme
évoquées plus haut, il faut être conscient de ce que la réforme de la
loi de 1991 s’inscrira nécessairement dans un mouvement plus vaste de
constitution d’un véritable droit de la sécurité nationale, dont la décision
fondatrice du Conseil constitutionnel du 10 novembre 2011 (censurant
les dispositions de 2009 instaurant une classification de certains lieux,
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