Études et documents
57. À cet égard, il importe de constater, en premier lieu, que la
directive 2006/24 couvre de manière généralisée toute personne et tous
les moyens de communication électronique ainsi que l’ensemble des
données relatives au trafic sans qu’aucune différenciation, limitation
ni exception soient opérées en fonction de l’objectif de lutte contre les
infractions graves.
58. En effet, d’une part, la directive 2006/24 concerne de manière
globale l’ensemble des personnes faisant usage de services de communications électroniques, sans toutefois que les personnes dont les
données sont conservées se trouvent, même indirectement, dans une
situation susceptible de donner lieu à des poursuites pénales. Elle
s’applique donc même à des personnes pour lesquelles il n’existe aucun
indice de nature à laisser croire que leur comportement puisse avoir un
lien, même indirect ou lointain, avec des infractions graves. En outre,
elle ne prévoit aucune exception, de sorte qu’elle s’applique même à des
personnes dont les communications sont soumises, selon les règles du
droit national, au secret professionnel.
59. D’autre part, tout en visant à contribuer à la lutte contre la
criminalité grave, ladite directive ne requiert aucune relation entre les
données dont la conservation est prévue et une menace pour la sécurité
publique et, notamment, elle n’est pas limitée à une conservation portant
soit sur des données afférentes à une période temporelle et/ou une zone
géographique déterminée et/ou sur un cercle de personnes données
susceptibles d’être mêlées d’une manière ou d’une autre à une infraction grave, soit sur des personnes qui pourraient, pour d’autres motifs,
contribuer, par la conservation de leurs données, à la prévention, à la
détection ou à la poursuite d’infractions graves.
60. En deuxième lieu, à cette absence générale de limites s’ajoute
le fait que la directive 2006/24 ne prévoit aucun critère objectif permettant
de délimiter l’accès des autorités nationales compétentes aux données
et leur utilisation ultérieure à des fins de prévention, de détection ou
de poursuites pénales concernant des infractions pouvant, au regard
de l’ampleur et de la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte, être considérées comme
suffisamment graves pour justifier une telle ingérence. Au contraire, la
directive 2006/24 se borne à renvoyer, à son article 1er, paragraphe 1, de
manière générale aux infractions graves telles qu’elles sont définies par
chaque État membre dans son droit interne.
61. En outre, quant à l’accès des autorités nationales compétentes
aux données et à leur utilisation ultérieure, la directive 2006/24 ne contient
pas les conditions matérielles et procédurales y afférentes. L’article 4 de
cette directive, qui régit l’accès de ces autorités aux données conservées,
ne dispose pas expressément que cet accès et l’utilisation ultérieure
des données en cause doivent être strictement restreints à des fins de
prévention et de détection d’infractions graves précisément délimitées
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