Études et documents
Éléments de jurisprudence
Jurisprudence européenne
Procès équitable/égalité des armes
• Refus du tribunal de communiquer à la défense les documents
relatifs à une opération de surveillance et d’accepter les
dépositions de témoins clés obtenues par la défense : violation.
Mirilachvili – Russie (n° 6293/04)
Arrêt 11.12.2008 [Section I]
En fait : en 2003, le requérant fut reconnu coupable d’avoir organisé
l’enlèvement d’un groupe de personnes. Le tribunal s’appuya sur des enregistrements de conversations téléphoniques réalisés par la police dans
l’appartement de l’une des victimes. Au nom de la loi sur les activités opérationnelles et d’enquête, le tribunal refusa de communiquer à la défense
les pièces touchant à l’autorisation des écoutes. Le tribunal attacha également une grande importance aux témoignages écrits de trois témoins
majeurs, lesquels témoignages avaient été obtenus par un enquêteur au
stade préliminaire et lus lors du procès. Ces témoins résidaient en Géorgie et le tribunal demanda donc aux autorités géorgiennes d’assurer la
comparution de ces témoins à l’audience mais en vain. Deux des témoins
ne se présentèrent jamais devant les juridictions russes et le troisième
ne comparut qu’au procès en appel. Le requérant n’eut pas non plus la
possibilité de questionner ces témoins lors de l’enquête préliminaire. Toutefois, les trois témoins furent interrogés en Géorgie par les avocats de la
défense après le début du procès et envoyèrent au tribunal des dépositions écrites dans lesquelles ils revenaient sur leurs premiers aveux. Tous
déclarèrent avoir accusé le requérant à tort et avoir fait leurs dépositions
antérieures devant le parquet sous la contrainte. La défense demanda au
tribunal d’accueillir ces dépositions mais le tribunal s’y opposa au motif
que la loi interdisait à la défense d’interroger des témoins déjà entendus
par le ministère public et d’une manière non-conforme à la procédure de
recueil des preuves « en bonne et due forme » requise par la loi. Pour l’essentiel, la condamnation du requérant fut confirmée en appel.
En droit : refus de divulgation de pièces à la défense : La Cour n’exclut
pas la possibilité que les pièces en cause aient pu être utiles à la défense,
laquelle aurait donc eu un intérêt légitime à en demander la communication. Elle est toutefois disposée à admettre, au vu du contexte de l’affaire,
que les documents réclamés par le requérant pouvaient comporter certaines informations sensibles touchant à la sécurité nationale. Dans ces
conditions, le juge national jouit d’une large marge d’appréciation pour
se prononcer sur la demande de divulgation présentée par la défense. La
question se pose de savoir si la non-divulgation a été contrebalancée par
des garanties procédurales adéquates. Les pièces liées à l’autorisation des
écoutes téléphoniques ont été examinées par le président de l’audience
de manière non contradictoire. Dès lors, le refus de divulguer certaines
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