Jurisprudence européenne et française
expose que la remise du courrier a souvent été retardée au motif que celui-ci,
pour être contrôlé, devait être traduit de l’espagnol vers l’italien.
En droit : sur la violation alléguée de l’article 8 de la Convention
Le requérant se plaint du fait que sa correspondance a été soumise à
contrôle, des retards dans la remise du courrier, de ce que certaines lettres
ont été bloquées par l’administration pénitentiaire.
Le requérant affirme que les motifs des décisions de l’autorité judiciaire concernant la non-remise des courriers avaient été superficiels et
génériques et ne permettaient pas d’établir les raisons réelles justifiant
l’adoption de ladite mesure. En outre, le requérant allègue que certaines lettres lui ont été remises avec plusieurs mois de retard à cause des délais dus
à la traduction de toute sa correspondance de l’espagnol à l’italien.
De toute évidence, il y a eu « ingérence d’une autorité publique » dans
l’exercice du droit du requérant au respect de sa correspondance garanti
par l’article 8 § 1 de la Convention. Pareille ingérence méconnaît cette disposition sauf si, « prévue par la loi », elle poursuit un ou des buts légitimes au
regard du paragraphe 2 et, de plus, est « nécessaire, dans une société
démocratique » pour les atteindre (arrêts Silver et autres c. Royaume-Uni,
du 25 mars 1983, série A no 61, p. 32 § 84 ; Campbell c. Royaume-Uni, du
25 mars 1992, série A no 233, p. 16, § 34 ; Calogero Diana c. Italie, du
15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, § 28, Domenichini c. Italie, du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, § 28, et Petra c. Roumanie du 28 septembre 1998, Recueil 1998-VII, p. 2853, § 36 ; Labita c. Italie
[GC], du 6 avril 2000, § 176, Recueil 2000-IV).
La Cour relève que le contrôle de la correspondance du requérant a
toujours été ordonné par le juge d’application des peines au sens de l’article
18 de la loi sur l’administration pénitentiaire. Or, la Cour a déjà constaté à
maintes reprises que le contrôle de correspondance fondé sur l’article 18
méconnaît l’article 8 de la Convention car il n’est pas « prévu par la loi » dans
la mesure où il ne réglemente ni la durée des mesures de contrôle de la correspondance des détenus, ni les motifs pouvant les justifier, n’indique pas
avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir
d’appréciation des autorités compétentes dans le domaine considéré (voir,
entre autres, l’arrêt Labita c. Italie, précité, §§ 175-185). Elle ne voit pas de
raison de s’écarter en l’espèce d’une jurisprudence qui vise à permettre à
chaque détenu de jouir du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique (arrêt Calogero Diana précité, p. 1776, § 33).
À la lumière de ce qui précède, la Cour constate qu’à aucun moment
le contrôle de la correspondance du requérant n’était « prévue par la loi » au
sens de l’article 8 de la Convention. Cette conclusion rend superflu de vérifier en l’espèce le respect des autres exigences du paragraphe 2 de la même
disposition. La Cour prend acte, au demeurant, de l’entrée en vigueur de la
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