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renseignement passe par le développement des « études de renseignement » à la
française. Évoquer les services autrement que sous le jour des scandales, de la
propagande ou de la relation journalistique correspond à un impératif. Or,
l’objectif ne peut être atteint sans la promotion, en premier lieu, d’une culture
académique des études de renseignement.
Nombre d’universitaires sont disposés à mettre leurs compétences au
service d’une administration d’État. L’Académie pourrait incarner ce creuset
intellectuel qui rassemblerait les initiatives éparses. À titre d’exemple, le Centre
français de recherche sur le renseignement (CF2R), think tank créé, financé et
animé par Eric Denécé, a apporté la preuve de l’intérêt que pouvait susciter cette
thématique. De même, le séminaire « Métis », animé depuis mars 2008 par
Sébastien Laurent, Philippe Hayez et Olivier Forcade au centre d’histoire de
Sciences Po, montre que le monde universitaire est en voie de dépasser ses
préventions à l’encontre d’une problématique trop longtemps délaissée. Mais ces
démarches sont le fruit de précurseurs qui luttent pour la reconnaissance par le
monde académique de la pertinence de recherches consacrées au renseignement.
L’Académie pourrait leur apporter une aide précieuse en mettant en place une
politique d’archivage de la production des services et de communication raisonnée
de cette documentation à des chercheurs dûment mandatés.
La DGSE a déjà fait un pas en ce sens : pour la première fois de son
histoire, elle a patronné la publication d’un ouvrage en collaboration avec la
Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la
défense et la maison d’édition Nouveau Monde. Préfacée par Daniel Cordier et
Erard Corbin de Mangoux, l’étude de l’historien Sébastien Albertelli retrace
l’histoire du BCRA, l’ancêtre du service extérieur (1). Pour réaliser ce travail, le
chercheur a bénéficié de l’aide de la DGSE en matière de photographies et
d’archives. Le directeur général du service explique ainsi une démarche qu’il
rattache à la diffusion de la culture du renseignement : « Il est du devoir de la
DGSE de participer à la politique de mémoire du ministère de la défense et de
soutenir les actions allant dans ce sens, à condition qu’elles soient
méthodologiquement incontestables et qu’elles ne mettent pas en péril ce qui fait
l’essence même d’un service de renseignement efficace. Même si elle est étroite, la
voie existe entre une nécessaire ouverture aux chercheurs et la préservation du
secret (2) ».
Quelques mois auparavant, les services de renseignement avaient apporté
leur soutien à des projets éditoriaux de la maison L’Iconoclaste (3) sans pour autant
participer à l’entreprise comme ils le feront avec le livre de Sébastien Albertelli.

(1) Sébastien Albertelli, Les services secrets de la France libre : le bras armé du général de Gaulle, Paris,
Ministère de la Défense-DMPA-DGSE-Nouveau monde éditions, 2012, 336 p.
(2) Ibid., p. 9.
(3) Bruno Fuligni (dir.), Dans les archives inédites des services secrets : Un siècle d’histoire et d’espionnage
français (1870-1989), Paris, L’Iconoclaste, 2010, 350 p. ainsi que Bruno Fuligni, Le livre des espions,
Paris, L’Iconoclaste, 2012, 360 p.

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