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Enfin, des efforts budgétaires devraient être consentis en matière de
recrutement qui, jusqu’à présent, ont majoritairement bénéficié à la DGSE alors
que la DRM manque d’analystes images et de linguistes. Les investissements
techniques qui seront réalisés à l’avenir s’avéreront vains si le service manque de
spécialistes interprétateurs. Mais la DRM devra également s’employer à nouer des
collaborations plus étroites avec des experts civils de divers horizons (1).
Conscient de ces difficultés dès la fondation du service, Pierre Joxe avait
envisagé la création d’une arme du renseignement qui viendrait s’ajouter aux trois
existantes. Certains pays, à l’instar des États-Unis, ont opéré ce choix audacieux
qu’il conviendrait de prendre en considération pour le cas où les ajustements
préconisés ne porteraient pas leurs fruits.
● Replacer la DRM au cœur du dispositif du renseignement militaire
Au cours des années 2000-2010, les armées ont été amenées à compléter
leur dispositif de renseignement militaire en instituant, d’une part, les centres
renseignement d’armée (CERT pour l’armée de Terre, CRmar pour la marine,
CRA pour l’armée de l’air) (2) et, d’autre part, le Centre national de ciblage (3).
Cette dernière instance est chargée d’établir les cibles susceptibles de faire l’objet
de frappes en cas de conflits ou d’opérations et de fournir les recommandations
nécessaires à ces frappes ainsi qu’à leur évaluation ex post.
Indéniablement, la création des centres a constitué une entorse au principe
de centralisation qui avait présidé à la création de la DRM. Mais, il est vrai que
poussé jusqu’à sa dernière extrémité, ce principe avait occulté la nécessaire
subsidiarité du renseignement et ainsi gommé la singularité des exigences propres
à chacune des trois armes dans la conduite de leurs missions. Par conséquent, s’il
convient de maintenir ces entités, il faut éviter tant le travail en silos (impliquant
l’absence de partage des informations recueillies par les moyens spécifiques à
chaque armée) que la production de renseignement par ces centres qui
actuellement remontent avec peine vers la DRM.
La mission estime qu’il est préoccupant que ces structures n’entretiennent
plus avec la direction que des relations de clients à fournisseur. Elle appelle donc
à une revitalisation du processus de coopération, qui se traduirait par
exemple par l’attribution à la DRM d’un monopole dans le domaine de la
formation interarmées, alors même qu’aujourd’hui chaque armée procède de
façon autonome.
Mais si des résistances insurmontables devaient se faire jour, la mission
préconiserait alors la reconnaissance d’une tutelle de la DRM sur ces entités. Sans
modifier en rien leur rattachement actuel, les centres seraient armés par la DRM,
(1) André Ranson, « Quels défis pour le renseignement des armées ? », Les Cahiers de la sécurité, juilletseptembre 2010, n° 13, p. 70.
(2) Ces trois centres comptabilisent près de 200 personnels.
(3) Le CNC a le statut d’organisme à vocation interarmées (OVIA).