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1991, la circulaire Marchand donne la priorité au suivi des questions économiques
et sociales (1) ; puis la circulaire du 11 mars 1998 fixe comme mission prioritaire la
lutte contre les violences urbaines, le suivi de l’islamisme ainsi que les
investigations sur les affaires économiques et financières.
La réforme de 2008, en s’appliquant à rationaliser le seul dispositif
français de lutte antiterroriste, a donc interrompu le processus de repositionnement
du service français de renseignement intérieur et généraliste. Elle a sacrifié
certaines missions en ne les concevant qu’au travers du prisme réducteur de la
lutte contre la délinquance ou de l’ordre public, missions désormais prises en
charge par la Sous-direction de l’information générale (SDIG). Celle-ci a été
instituée par l’article 4 du décret du 27 juin 2008 (2) qui prévoit la mise en place,
dans chaque département, d’un service départemental d’information générale
(SDIG) rattaché à une sous-direction dépendant de la Direction centrale de la
sécurité publique (DCSP).
Si la Cour des comptes a stigmatisé la fâcheuse impréparation (3) de la
réforme ayant donné naissance à la SDIG, sa cohérence intellectuelle, bien que
biaisée, est en revanche indéniable. En effet, la refonte de 2008 répond à un souci
de conceptualisation au nom duquel est créée une ligne de partage purement
théorique et artificielle entre les activités de renseignement (le renseignement
fermé contre le renseignement ouvert). Au moment de la fondation de la DCRI,
cette scission a permis de séparer au sein de la DCRG le bon grain (la section
recherche, spécialisée dans la lutte antiterroriste) de l’ivraie (la « traditionnelle »,
consacrée à l’analyse des faits de société). Or, l’ivraie a constitué la véritable
matrice de la SDIG. Les conditions de la réforme de 2008 ne feront qu’aggraver
les conséquences découlant dès l’origine de la fausseté du raisonnement adopté.
a) Une philosophie contestable pour guider la réforme
Au moment d’annoncer la réforme du renseignement intérieur, Michèle
Alliot-Marie avait commis une confusion lexicale qui dévoile la philosophie sousjacente à la création de la SDIG : « Certaines missions ne relèvent pas du
renseignement ; elles seront reprises par d’autres directions de la police
nationale. Ainsi, les "courses et jeux" seront rattachés à la police judiciaire. Le
suivi des manifestations de voie publique (comptage), les protections rapprochées
et le renseignement de terrain dans le domaine de la lutte contre la délinquance,
les violences urbaines ou le hooliganisme, rejoindront la sécurité publique, au

(1) La DCRG devait s’attacher à « la prévision et à la mesure des évolutions de l’opinion publique au travers
de ses multiples canaux d’expression ; à l’examen attentif de l’expression des revendications sociales dont
le caractère multiforme exige une vigilance constante ; à une intervention accrue dans les secteurs
économique et financier, en particulier pour aider au repérage des circuits de recyclage des capitaux
illicites ; à une étude approfondie des tensions et évolutions au sein de la société civile ».
(2) Décret n° 2008-633 du 27 juin 2008 relatif à l’organisation déconcentrée de la direction centrale de la
sécurité publique.
(3) Cour des comptes, L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique, juillet 2011, p.89.

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