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2. Engager la mutation

La mission est convaincue que la réforme de 2008 s’est arrêtée au milieu
du gué en perpétuant le statut de simple direction centrale de l’administration
placée sous la tutelle de la Direction générale de la police nationale. La création
d’une Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), relevant
directement de l’autorité réaffirmée et effective du ministre de l’Intérieur,
serait de nature à corriger les vices de conformation qui viennent d’être
évoqués. De surcroît, elle simplifierait la chaîne de commandement et placerait le
service de renseignement intérieur sur un pied d’égalité (administrative) avec le
service extérieur. Enfin, elle accroîtrait considérablement la lisibilité budgétaire
dans le cadre d’un contrôle démocratique.
a) La nécessaire révolution administrative du renseignement intérieur
Exemple paradigmatique d’une police de spécialité, la DCRI est
aujourd’hui entravée dans son évolution par les règles induites par son
rattachement à la Direction générale de la police nationale. Représentant environ
2 % des effectifs gérés par la DGPN, le renseignement intérieur peine à imposer
ses spécificités face à la police généraliste, la police de sécurité publique. Or, il est
aujourd’hui confronté au défi majeur de la diversification de son recrutement.
Lors de sa création dans l’immédiat après-guerre, la DST était parvenue à
attirer des profils diversifiés (dont de nombreux techniciens) qui lui permettaient
de disposer de spécialistes dans de nombreux domaines. Puis, en sa qualité de
direction active de la police nationale, elle a recruté quasi exclusivement des
policiers issus du cursus juridique, la voie devenue ordinaire pour se préparer à ce
type de concours.
Héritière de cette situation, la DCRI est composée d’une écrasante
majorité de policiers, pour la plupart juristes de formation, si bien qu’elle manque
cruellement de linguistes, de techniciens, d’analystes, de psychologues, etc. Les
technologies qu’elle doit maîtriser (analyse massive de données, cryptographie,
etc.) sont désormais largement « l’apanage d’ingénieurs de haut vol, digital
natives sortis des grandes écoles » (1)…
Pour remédier à ces lacunes, le service devra largement ouvrir son
recrutement et attirer des profils à la pointe des connaissances utiles. En sa qualité
de direction centrale, la DCRI sollicite l’embauche de 300 contractuels, statut
précaire qui ne s’accompagne guère de rémunérations attractives. En se dotant du
statut de direction générale, la DGSI obtiendrait ainsi la création d’un agrégat
budgétaire clairement identifiable (aujourd’hui, le budget du service est de l’ordre
de 36 millions d’euros, dont *** euros de fonds spéciaux), qui serait libéré de
certaines contraintes de gestion. Outre les avantages en matière de contrôle
parlementaire qu’induirait cette novation, elle permettrait également au service de
(1) Roger Faligot, Jean Guisnel, Rémy Kauffer, Histoire politique des services secrets français, La Découverte,
Paris, 2012, p. 662.

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