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service n’a visiblement pas pensé son maillage territorial. Rien d’étonnant dès lors
à ce qu’il ne l’ait pas réellement intégré à sa stratégie. Les auditions auxquelles a
procédé la mission laissent bien transparaître cette totale absence de culture
territoriale de la DCRI. La centrale continue à analyser, à animer, à autoriser, à
octroyer des moyens et ne laisse que peu d’autonomie à ses services territoriaux.
Pourtant, la « réactivité » tant louée des RG procédait aussi de la forte capacité
d’initiative des directions régionales ou départementales, voire des
arrondissements.
Sans doute conscient de cette faille, le nouveau directeur central Patrick
Calvar a créé une fonction de Coordonnateur territorial et l’a confiée au
fonctionnaire qui se chargeait déjà de la coordination entre la DCRI et la DRPP. Si
l’intention est louable, un tel office ne manque pas de surprendre vos rapporteurs.
Une structure interne à la DCRI, composée d’une dizaine de fonctionnaires, est
donc chargée d’établir un dialogue entre la centrale et la province, de s’assurer que
les échanges se nouent alors même que cette tâche incombe en principe au
directeur central adjoint et aux sous-directeurs thématiques (la DCRG procédait
ainsi).
En réalité, l’instauration de ce coordonnateur territorial, loin de constituer
une solution idoine, souligne plus encore les failles constitutives de la DCRI. Il
s’agit d’un pis-aller, d’une solution que la mission espère transitoire. D’autant que
pour lutter rigoureusement contre la menace intérieure, la structure de la
couverture géographique et ses liens avec la direction centrale constituent des
enjeux cardinaux. Mais la coupure entre la centrale et la province présente
également une explication sociologique : les anciens RG animent en grande
majorité les échelons territoriaux de la DCRI. Or, la culture « ST » et la culture
« RG » peinent à se conjuguer.
d) Une absence de culture commune aux différents personnels
À l’origine de la fusion opérée en 2008 se trouve la volonté de créer un
« pôle d’excellence dévolu au contre-terrorisme » (1) associant les forces des deux
services. Mais à cette fin, il importait de parvenir à unir en une même structure les
personnels issus de deux organisations aux identités aussi fortes et distinctes que
la DST et les RG.
Couverts par le secret de la défense nationale, habitués à un
fonctionnement très hiérarchisé et dotés de compétences judiciaires, les agents de
la DST devaient donc apprendre à travailler de concert avec les fonctionnaires des
RG, beaucoup plus portés sur des modes opératoires pragmatiques et passés
maîtres dans l’art de transmettre la bonne information au bon moment à la bonne
personne. L’expérience en matière de contre-espionnage et de lutte anti-terroriste
allait devoir se concilier avec l’expertise reconnue dans l’investissement contre les
violences urbaines. La rigueur d’une gestion très centralisée allait devoir s’adapter
(1) Bernard Squarcini, Libération, 8 octobre 2007.