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Quelle est la logique de cette stratégie extrêmement volontariste
d’implantation territoriale ? Correspond-elle à une nouvelle configuration du
service de renseignement intérieur ou à une simple volonté de puissance ? Outre
les doutes induits par la création de certains postes ou le renforcement de
l’implantation dans certains départements réputés peu sensibles, la DCRI a
apporté un premier élément de réponse en fermant, dès 2009, 21 implantations
(dans la Nièvre, la Creuse, en Ariège, dans le Gers par exemple) et en procédant à
des regroupements. Mais, du même coup, certaines parties du territoire ne
bénéficient désormais plus d’une couverture suffisante.
De surcroît, la volonté de puissance de la nouvelle DCRI l’a conduit à
recruter à tout prix pour nourrir son maillage total. Car la massivité des
mouvements constatés induit une interrogation sur l’objectif même de la réforme
entreprise. Si, comme l’annonçait Michèle Alliot-Marie, « la réorganisation
projetée [avait visé] à consolider la qualité de la lutte antiterroriste en
France (1) », elle n’aurait en effet concerné qu’« environ 20 % des policiers des
renseignements généraux (2) », soit ceux des sections « recherche » de la DCRG.
Pourtant, ce sont près de 43 % de policiers des RG qui sont passés à la DCRI dans
des conditions chaotiques : les spécialistes de la lutte antiterroriste (ou déclaré
comme tels au moment de la réforme) ont plaidé pour être accompagnés de leurs
équipes ; par ailleurs, les effectifs des antennes RG (dans les chefs-lieux
d’arrondissements) ont été systématiquement versés en SDIG, à de très rares
exceptions près (3), tandis que la DCRI a parfois recruté sans discernement au sein
des sièges départementaux et régionaux lorsqu’il s’agissait de créer un poste.
Enfin, parce « qu’on ne fait pas une réforme contre les personnels » (4)
certains ont pu être affectés à la DCRI pour des raisons contingentes (proximité du
domicile personnel, fin de carrière, etc.). De fait, l’observation attentive des
spécificités départementales conduit à penser, à nouveau, que la partition des
effectifs entre DCRI et SDIG n’a pas suivi un schéma rationnel. En effet, aucune
régularité n’est observable et, si les caractéristiques de certains départements
justifient des transferts massifs, on s’interroge sur le cas d’autres.
En définitive, des choix guidés par des motivations techniques, humaines,
administratives ou arbitraires ont considérablement pesé sur le nouveau service.
La gestion humaine et matérielle de la réforme de 2008 s’est donc réalisée sans
réel schéma directeur autre que celui de pourvoir les implantations territoriales
renforcées, créées ou récupérées.
En substance, il semblerait que la DCRI conçoive uniquement ses
implantations territoriales comme un signe extérieur de puissance, sans se soucier
du coût financier induit (un poste coûte cher à créer, à sécuriser et à pourvoir). Le
(1) Michèle Alliot-Marie, « La réorganisation des services de renseignement », op. cit.
(2) Ibid.
(3) On pourra notamment citer les cas de Bayonne, Annemasse, Calais, Mulhouse ou Manosque.
(4) Patrick Calvar, audition devant la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée
nationale, le 26 février 2013.