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conséquence par autoriser la Gendarmerie nationale à instituer une cellule
terrorisme au sein de la Direction générale.
En définitive, le dispositif français de lutte contre le terrorisme n’est alors
ni structuré, ni efficace. Et c’est sous la pression d’une menace en pleine mutation
qu’il va se décanter. Les années 1980 sont en effet marquées par des vagues
successives d’attentats liés au terrorisme international d’origine étatique ou
bénéficiant du soutien d’États. Fort logiquement, c’est alors la DST, jouissant dans
ce domaine d’une réelle compétence, qui réagit avec la plus grande efficacité. Les
tensions du moment la conduisent à ranimer sa division antiterroriste dès janvier
1983 et à la doter d’une trentaine de policiers. Pour éviter un chevauchement avec
la DCRG, le secrétaire d’État à la Sécurité publique, Joseph Franceschi, signera en
1984 une circulaire établissant une stricte répartition des tâches entre les deux
services : aux Renseignements généraux la lutte contre le terrorisme interne, et à la
DST l’international.
Peu à peu, l’activité antiterroriste de la DST va s’étoffer et lui permettre de
se muer en un service de contre-espionnage et de contre-terrorisme (à parité à
l’époque de la chute du Mur de Berlin). La division antiterroriste devient
d’ailleurs un département en 1986, puis une sous-direction en 1989. Elle entretient
des relations très étroites avec les magistrats traitant ces dossiers et, de la sorte,
assoit plus encore son autorité sur ce secteur de la sécurité intérieure. Car le
service peut se prévaloir de ses précieuses compétences en matière de police
judiciaire, arme utile pour le démantèlement de réseaux terroristes. Or, il
récupérera ses pleines prérogatives judiciaires en 1984 à l’occasion d’une affaire
impliquant les FARL (1) – affaire que la DCPJ ne souhaite traiter faute d’éléments
matériels suffisants. Ce dossier constitue donc un réel point de bascule pour la
DST.
Néanmoins, une nouvelle mutation de la menace va bien vite raviver les
rivalités : en 1995, la France est pour la première fois victime du terrorisme
islamiste. La filiation de ce dernier avec l’Algérie justifie naturellement
l’intervention de la DST tandis que la lutte contre l’islam radical et la surveillance
des banlieues (d’où étaient issus les membres du groupe Kelkal) légitiment pour
leur part l’action des Renseignements généraux. En pleine gestion de crise, ces
guerres de chapelles lassent les autorités politiques et contraignent même le
Président de la République à rappeler à l’ordre tous les chefs de services lors
d’une réunion à l’Élysée, le 10 septembre 1995 (2).
Cette intervention ne suffira pourtant pas à créer les conditions d’une
coopération enfin pacifiée entre les différentes instances. Ainsi Yves Bertrand,
directeur adjoint puis directeur central des Renseignements généraux de 1992 à
2003, incarnera cette réticence à une collaboration fructueuse, et ce dans un
contexte tendu de cohabitation qui génère une forte méfiance réciproque entre le
(1) Fraction armée révolutionnaire libanaise, organisation terroriste créée en 1979 par Georges Ibrahim
Abdallah.
(2) Sur ce point, se reporter à Floran Vadillo, « L’Élysée » et l’exercice du pouvoir…, op. cit., p. 235.