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De fait, si la mission a décidé d’étudier cette affaire, ce n’est pas tant pour
tenter d’apporter de nouveaux éléments que parce qu’elle illustre les carences
inhérentes à la DCRI qu’il importe de corriger au plus vite. Or, pour vos
rapporteurs, si l’affaire Merah ne procède pas des dysfonctionnements de la
DCRI, elle les révèle.
Le principal enseignement tient au défaut de surveillance qui pose la
question des moyens humains pour le service de sécurité intérieure.
Chacun sait que Mohamed Merah était connu des services de
renseignement depuis 2006, et qu’il a fait l’objet d’un suivi �� partir de 2009 et
jusqu’en 2010 en raison de son environnement familial et de ses contacts. Les
détails de ses voyages internationaux d’abord en Syrie en août puis, en novembre
2010, en Afghanistan via le Tadjikistan puis encore, en août 2011, en Turquie puis
dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan (après un passage par Oman)
sans jamais avoir attiré l’attention des différents services sont aussi publics. Il est
aussi de notoriété publique que la DCRI a demandé à son service toulousain, en
janvier 2011, une enquête approfondie, laquelle « met clairement en évidence le
profil islamiste de Mohamed Merah, son comportement extrêmement méfiant et sa
radicalité potentielle » (1). Personne n’ignore non plus le manque de réaction de la
direction centrale lorsque celle-ci a pris connaissance de cette enquête ainsi que
l’absence de judiciarisation du dossier, ce dont a bien évidemment profité Merah,
qui est passé à l’acte le 11 mars 2012, deux mois après que la DCRI eut levé toute
surveillance.
Comment expliquer cette apathie ?
D’abord par le volume des dossiers dont la sous-direction antiterroriste a
la responsabilité. Dotée de *** fonctionnaires, elle se compose de différentes
divisions dont celle de l’islamisme radical sunnite ici concernée. Cette division
comprend elle-même *** agents parmi lesquels *** se consacrent ***. Elle doit
traiter plusieurs centaines d’objectifs opérationnels par an (***). Il lui incombe en
outre d’assurer le soutien administratif des groupes chargés d’un suivi thématique
(***). Or ces groupes sont tous confrontés à une actualité dont l’intensité ne
fléchit pas. À titre d’exemple, la DCRI a opéré une surveillance de *** djihadistes
se rendant en Syrie *** …
Face à l’importante charge de travail, la sous-direction anti-terroriste a
visiblement priorisé ses objectifs et, ce faisant, avait choisi d’asseoir son jugement
sur une évaluation de la menace incarnée par une cible. Or, en ce domaine, les
deux fonctionnaires dépêchés à Toulouse par la direction centrale ont commis une
erreur de jugement, ils ont mal apprécié la dangerosité de Mohamed Merah.
Ce manque de réactivité s’explique ensuite par le fait que notre législation
antiterroriste – justement parce qu’elle est déjà suffisamment dérogatoire au droit
commun – ne permet pas de neutraliser des profils suspects sur la seule intuition
(1) Jérôme Leonnet et Guy Desprats, « Affaire Merah : réflexions et propositions », 19 octobre 2012, 17 p.

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