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s’agissait pas dans ce cas de mettre en cause la responsabilité présidentielle mais
seulement de compléter l’information des députés…
Au final, ces éléments juridiques conduisent la mission à
recommander un rééquilibrage institutionnel en faveur du Premier ministre,
et ce en conformité tant avec l’esprit de la Constitution qu’avec les pratiques du
pouvoir.
C. REPENSER LA DYARCHIE EN MATIÈRE DE COORDINATION DES
ACTIVITÉS DE RENSEIGNEMENT
En raison de ses compétences dans les domaines de la défense et de la
diplomatie ainsi que de son rôle dans la vie politique, le Président de la
République joue évidemment un rôle cardinal en matière de renseignement. Nul
ne lui conteste la charge de fixer la stratégie nationale et de traiter des grandes
problématiques. En revanche, il ne semble conforme ni aux pratiques
institutionnelles, ni à l’esprit de la Constitution de 1958 qu’il puisse continuer à
exercer, même par délégation, une quelconque autorité sur les administrations du
renseignement.
Vos rapporteurs préconisent ainsi de dissiper les ambiguïtés nées de la
réforme impulsée par Nicolas Sarkozy. Certes, la création du conseil national du
renseignement souligne utilement la nécessité pour le chef de l’État de disposer
d’un organe destiné à nourrir sa réflexion, mais pour autant le rattachement du
Coordonnateur à l’Élysée expose dangereusement le Président de la
République en même temps qu’il marginalise le Premier ministre.
Pour remédier à cette situation, il conviendrait en premier lieu de
renforcer le rôle du conseil national du renseignement. Aujourd’hui, sa
composition pléthorique et éminemment institutionnelle le condamne à des
échanges vagues et frappés de publicité. En effet, dans sa formation plénière, il
comprend, outre le chef de l’État, qui le préside, le Premier ministre, le ministre de
la Défense, le ministre de l’Intérieur, le ministre chargé de l’Économie, le ministre
chargé du Budget et le ministre des Affaires étrangères (1). Dans la pratique,
Nicolas Sarkozy ne l’a réuni qu’à une seule reprise avant de juger sa composition
inadaptée aux enjeux traités (2).
Une configuration plus restreinte, telle que le Livre blanc de 2008 l’avait
d’ailleurs envisagée, permettrait au Président de la République de réunir les
directeurs de service dans le but d’évoquer des thématiques précises et
confidentielles. Pourraient également se joindre à ces réunions des ministres ou
hauts fonctionnaires concernés par les sujets abordés. Un tel fonctionnement
effectif du conseil, que la mission appelle de ses vœux – et que toutes les
personnes interrogées sur ce point ont jugé souhaitable – ne doit pas être interprété
(1) D’autres ministres peuvent être convoqués par le Président de la République, pour les questions relevant de
leur responsabilité.
(2) Et pourtant à cette époque, le décret instituant le CNR n’avait pas même été publié.