— 110 —
signalons que la délégation parlementaire au renseignement remet ses
observations au chef de l’État et au Premier ministre, et non seulement au premier,
preuve du rôle éminent qu’il incombe au second de jouer dans ce domaine.
Deuxième contradiction constitutionnelle : le pouvoir confié à un
collaborateur du Président de la République – par les III et IV de l’article
R*.1122-8 du code de la défense – de coordonner et de contrôler des services de
renseignement au détriment du Premier ministre.
À la latitude octroyée au chef de l’État de transmettre des instructions
s’ajoute donc celle de procéder, par l’entremise d’un de ses collaborateurs, à la
coordination d’administrations. Surprenante faculté si l’on veut bien se remémorer
le contenu des articles 20, 21 et 67 de la Constitution ! Au surplus, on pourrait
aussi défendre la thèse selon laquelle les conditions de nomination du
coordonnateur contreviennent à l’article 13 de la Constitution ainsi qu’aux
dispositions de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à
l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. En effet, le
Coordonnateur est nommé par décret en conseil des ministres. Or cette nouvelle
fonction n’entre ni dans le périmètre prévu par le troisième alinéa de l’article 13
de la Constitution, ni dans celui de la loi organique susvisée.
Enfin, le V de l’article R*.1122-8 du code de la défense, en disposant que
« le coordonnateur national du renseignement peut être entendu par la délégation
parlementaire au renseignement », établit la possibilité pour un collaborateur
présidentiel d’être auditionné par le Parlement. Une disposition pour le moins
audacieuse, dès lors qu’elle revient à questionner les fondements de la mise en
cause de la responsabilité présidentielle.
Il n’est pas inutile de rappeler à cet égard que, ayant fait l’objet d’une
demande d’audition de son directeur de cabinet par une commission d’enquête
sénatoriale dans le cadre de l’affaire Habache en 1992, François Mitterrand l’avait
jugée irrecevable au motif de l’irresponsabilité du Président de la République.
Quelques années plus tard, lors de la séance du 10 juin 2008 au Sénat, le
Secrétaire d’État Éric Besson s’était à son tour rallié à cette interprétation. « En ce
domaine, précisa-t-il à cette occasion, la position du Gouvernement est claire. Une
lecture rigoureuse du principe de la séparation des pouvoirs nous paraît
s’opposer à ce qu’une commission d’enquête impose « obligatoirement »
– j’insiste sur cet adverbe – à un collaborateur de l’Élysée de déférer à une
convocation parlementaire. Alors que le Président de la République n’est pas
responsable politiquement devant les assemblées, il n’apparaît pas possible que
ses collaborateurs le soient d’une manière ou d’une autre, directe ou indirecte. »
Certes, cet usage a pu connaître des dérogations ponctuelles, notamment
lorsque le chef de l’État, en 2008, autorisa plusieurs de ses collaborateurs à
témoigner devant une commission d’enquête parlementaire créée à la suite de la
libération des infirmières bulgares. Claude Guéant, Boris Boillon et JeanDavid Lévitte avaient en effet été entendus à cette occasion. Néanmoins, il ne