— 108 —
Par ailleurs, le Coordonnateur produit chaque jour, à l’attention du
Président de la République et du Premier ministre, une synthèse de deux pages
réalisée à partir des analyses des six services de renseignement. Ce document
quotidien valorise concrètement les fonctions de la DRM, de la DPSD, de
TRACFIN et de la DNRED qui n’avaient jusqu’alors pas d’accès direct à la
présidence de la République (à la différence de la DCRI ou de la DGSE). Les
auditions menées par la mission ont montré combien la perspective de voir leurs
renseignements transmis au sommet de l’État constitue à la fois pour les agents de
ces services une marque de reconnaissance et une formidable source de
motivation. Dans le même ordre d’idées, la déclinaison, service par service, du
plan national d’orientation du renseignement concourt assurément à cette
entreprise de valorisation. À noter que la rédaction de ce document, soumis à
l’approbation du conseil national du renseignement, incombe également au
Coordonnateur. Enfin, celui-ci s’assure que les services disposent des ressources
indispensables à l’exercice de leurs missions et veille à la mutualisation des
moyens techniques (cf. infra).
Cependant, en dépit de l’indéniable utilité du CNR, pareille innovation a
été sous-tendue par une conception cohérente mais très présidentialiste du pouvoir
exécutif. Et elle n’aurait pu aboutir si ses promoteurs n’avaient délibérément
ignoré, voire grossièrement contourné un certain nombre d’obstacles
administratifs.
Il en résulte par exemple un rattachement pour le moins baroque du
Coordonnateur et de son équipe. Ainsi, selon le décret n° 2010-299 du 22 mars
2010, ils relèvent « pour [leur] gestion administrative et financière » du
Secrétariat général du Gouvernement, donc du Premier ministre, alors même que
le Président de la République est le principal bénéficiaire de leur action (1).
Selon les informations recueillies par la mission, la question du
rattachement a fait l’objet de longs débats entre l’Élysée et Matignon : à l’époque,
le Premier ministre se montrait très réticent à l’idée de se voir privé d’un pouvoir
de coordination tandis que certains conseillers présidentiels n’y voyaient pour leur
part aucun inconvénient mais se préoccupaient de ne pas accroître le budget de
l’Élysée.
Reste que cette originale configuration soulève deux difficultés. La
première est d’ordre institutionnel. Personne ne peut contester qu’en l’état se
trouve dangereusement accrue (et de jure) la dissociation entre l’exercice du
pouvoir et la nécessaire responsabilité qui en découle. Car, quoi qu’il advienne, le
chef de l’État ne pourra être inquiété pour des actes qui lui seront directement et
très officiellement imputables. En revanche, le Premier ministre, le ministre de
(1) Alinéa 1 de l’article R*.1122-8 du code de la Défense « Nommé par décret en conseil des ministres, le
coordonnateur national du renseignement conseille le Président de la République dans le domaine du
renseignement. » Aucun autre texte réglementaire ou législatif ne mentionne une quelconque autorité du
Premier ministre sur le coordonnateur. Si bien que les décrets du 13 janvier 2010 et du 24 février 2011
portant nomination de Bernard Bajolet puis d’Ange Mancini ne précisent aucune instance de
rattachement…