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Avec l’arrivée de Pierre Mauroy à Matignon, le principe des réunions de
coordination que présidaient les directeurs de cabinet des précédents Premiers
ministres est abandonné. Néanmoins, le nouveau chef du Gouvernement charge
Michel Delebarre de suivre les dossiers de sécurité intérieure. En revanche, la
sécurité extérieure – et par conséquent le SDECE – semble délaissée puisque ses
responsables successifs, Pierre Marion et l’amiral Lacoste, ne seront reçus qu’une
fois par mois à Matignon où d’ailleurs ils ne recevront ni orientations, ni
demandes.
La vague terroriste de 1982 va mettre au jour ces carences, contraignant la
présidence de la République à s’impliquer directement sous la responsabilité de
Gilles Ménage, directeur adjoint du cabinet présidentiel. En 1984, l’arrivée de
Pierre Joxe au ministère de l’Intérieur modifiera quelque peu cette architecture.
Néanmoins, le nouveau Premier ministre Laurent Fabius estimera pour sa part
qu’il n’a pas à intervenir dans le domaine de la sécurité.
Tel ne sera en revanche pas le point de vue de Jacques Chirac, qui retrouve
l’hôtel de Matignon en 1986 et s’attèle à la rationalisation ainsi qu’à la
coordination des services investis dans la lutte antiterroriste. Au demeurant,
modifiant sa position par rapport à celle qu’il avait adoptée entre 1975 et 1976, il
ne cherchera pas à réunir le CIR, préférant s’aligner sur les propositions formulées
par le juge antiterroriste Alain Marsaud qui, dans une tribune publiée dans
Le Monde le 21 décembre 1985, avait préconisé la création d’un Conseil de
sécurité intérieure en lieu et place de l’UCLAT (1).
Cette instance verra le jour le 9 avril 1986. Mais après quelques réunions,
elle tombera rapidement – elle-aussi – en désuétude.
Michel Rocard hérite donc en 1988 de ce qui s’apparente à un champ en
friche. Ses axes d’intervention le conduiront, d’une part, à conserver le Conseil de
sécurité intérieure (2) et, d’autre part, à réactiver le CIR par le biais du décret
n° 89-258 du 20 avril 1989, s’efforçant ainsi de conserver un pouvoir d’action
dans le domaine du renseignement et de la sécurité.
Deux nouveautés majeures sont cependant introduites par rapport à la
teneur du décret de 1962. En premier lieu, la compétence du CIR, dans l’esprit de
l’ordonnance de 1959, est étendue à tous les services de renseignement, sans
toutefois que ne soient réellement définis les contours juridiques de ce périmètre...
Ensuite, le rôle du chef de l’État est explicitement mentionné. Là où hier, sa place
n’était suggérée que par l’évocation de sa présidence du comité de Défense, sa
fonction stratégique, désormais, ne souffre plus aucun doute. François Mitterrand
approuva d’ailleurs cette réforme et porta par la suite un soin tout particulier à
(1) Alain Marsaud, Avant de tout oublier, Paris, Denoël, 2002, p. 235-240.
(2) Sous forme d’« une réunion tous les quinze jours avec le Premier ministre pour que les problèmes de
sécurité, de police et les nominations préfectorales [n’]échappent pas » à Matignon, selon Jean-Paul
Huchon, in Jours tranquilles à Matignon, Paris, Grasset, 1993, p. 114-115.