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5. Renforcer la protection de l’anonymat et du secret
Au-delà de la sécurisation juridique des moyens technologiques à la
disposition des services, il importe de mieux protéger l’anonymat des agents et de
mieux garantir le secret de leurs activités.
Aussi, pour donner à la nouvelle infraction prévue par l’article 413-13 du
code pénal toute son utilité, la mission invite les autorités compétentes à
systématiser les poursuites à l’encontre des personnes dévoilant l’identité
d’agents des services de renseignement. Une réflexion sur la peine d’amende
prévue par l’article 39 sexies de la loi sur la presse, qui semble insuffisamment
dissuasive, serait également profitable.
La protection du secret de la défense nationale implique pareillement la
systématisation des poursuites à l’encontre d’individus commettant en toute
conscience, et à des fins personnelles, les infractions de violation et de recel du
secret de la défense nationale.
En outre, il importe de rendre plus protectrice la procédure de témoignage
des agents des services. Certaines personnes entendues par la mission ont proposé
de privilégier l’audition de représentants qualifiés de l’institution en lieu et place
des agents personnellement impliqués. Dans certains pays, c’est le chef du service
qui témoigne devant la justice des affaires traitées par celui-ci. Là encore, la
solution législative retenue devra respecter les critères définis par la CEDH. En
effet, dans l’arrêt Van Mechelen et autres c. Pays Bas du 23 avril 1997, si la Cour
admet que « l’utilisation de dépositions anonymes pour asseoir une condamnation
n’est pas en toutes circonstances incompatible avec la Convention », l’atteinte
portée aux droits de la défense doit être compensée par la procédure suivie devant
les autorités judiciaires. Par ailleurs, la préservation de l’anonymat des agents doit
être justifiée par la nécessité concrète d’assurer leur protection ainsi que celle de
leur famille ou de ne pas compromettre les opérations futures. Enfin, toutes les
autres mesures moins attentatoires aux droits de la défense doivent au préalable
avoir été envisagées.
De la même manière, la violation du secret de l’instruction et son recel
sont trop peu réprimés à l’heure actuelle. Si la systématisation des poursuites est
nécessaire, elle ne saurait suffire, étant donné les difficultés à réunir les preuves de
cette violation. Les expériences étrangères peuvent, dans ce cas, constituer une
féconde source d’inspiration. Le Royaume-Uni dispose ainsi d’une procédure
civile intéressante, la closed material procedure, qui permet au juge d’accéder à
des informations classifiées et d’en faire usage sans pour autant qu’elles doivent
être versées au dossier et portées à la connaissance des parties.
L’existence d’un cadre juridique unitaire précisant les moyens et missions
des services de renseignement revêt un caractère d’absolue nécessité afin que ces
administrations puissent poursuivre leur action de défense des intérêts
fondamentaux de la Nation. D’autant que, comme l’énonçait justement
l’Assemblée parlementaire du conseil de l’Europe en 2005, « le fonctionnement