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Par ailleurs, d’après la jurisprudence de la CEDH, la prévisibilité « ne
saurait signifier qu’il faille permettre à quelqu’un de prévoir si et quand ses
communications risquent d’être interceptées par les autorités, afin qu’il puisse
régler son comportement en conséquence. Néanmoins, la loi doit user de termes
assez clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et
sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à opérer pareille
atteinte secrète, et virtuellement dangereuse, au droit au respect de la vie privée et
de la correspondance (1) ». L’exigence de précision qui découle de la prévisibilité
de la loi est renforcée dès lors que les atteintes aux droits et libertés sont
conséquentes. C’est particulièrement le cas lorsque les moyens d’investigation mis
en œuvre le sont de façon secrète : « Puisque l’application de mesures de
surveillance secrète des communications échappe au contrôle des intéressés
comme du public, la « loi » irait à l’encontre de la prééminence du droit si le
pouvoir d’appréciation accordé à l’exécutif ne connaissait pas de limites. En
conséquence, elle doit définir l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel
pouvoir avec une netteté suffisante – compte tenu du but légitime poursuivi – pour
fournir à l’individu une protection adéquate contre l’arbitraire » (2). La
sophistication croissante des moyens technologiques de surveillance conduit
également la CEDH à souhaiter que la loi soit particulièrement précise, pour éviter
les abus (3).
L’absence de garanties suffisantes contre ceux-ci peut également justifier
une condamnation par la CEDH. Il s’ensuit que la loi doit indiquer les catégories
de personnes susceptibles de faire l’objet de moyens spéciaux d’investigation ainsi
que les cas dans lesquels la mise en œuvre de ces moyens est possible, mais elle
doit aussi exposer les procédures d’autorisation et de contrôle adéquates. La
CEDH avait ainsi jugé, dans l’arrêt Klass précité, que le respect de la Convention
« implique, entre autres, qu’une ingérence de l’exécutif dans les droits d’un
individu soit soumise à un contrôle efficace que doit normalement assurer, au
moins en dernier ressort, le pouvoir judiciaire car il offre les meilleures garanties
d’indépendance, d’impartialité et de procédure régulière. »
L’absence de garanties suffisantes a d’ailleurs abouti à la condamnation de
la Roumanie (4). La CEDH formulait divers griefs à la procédure roumaine
d’interceptions de sécurité : tout d’abord, celles-ci pouvaient être réalisées sur
simple autorisation du procureur, non indépendant du pouvoir exécutif, et sans
limite de temps ; par ailleurs, ces autorisations ne faisaient l’objet d’aucun
contrôle a priori de la part d’un juge ou d’une autorité indépendante, d’office ou à
la demande de la personne surveillée ; en outre, aucun contrôle a posteriori du
bien-fondé des interceptions n’était possible ; enfin, la loi ne prévoyait aucune
disposition pour préserver l’intégrité des enregistrements ni, ensuite, pour
encadrer leur destruction ultérieure.
(1) CEDH, Malone c. Royaume Uni, 2 août 1984.
(2) Id.
(3) CEDH, Uzun c. Allemagne, 2 septembre 2010.
(4) CEDH, Popescu c. Roumanie (n° 2), 26 avril 2007.