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La Délégation reste toutefois dubitative sur l’opportunité d’une nouvelle
réforme du renseignement intérieur et du renseignement territorial après celle de
2013-2014 ; trop de réformes successives nuit à l’efficacité des services et à leur
coordination, même s’il s’agit de mettre en place une ligne hiérarchique plus forte.
En outre, les services en charge du renseignement territorial sont organisés de
façons différentes selon leurs entités de rattachement (Police ou Gendarmerie) et
travaillent en liens directs et étroits avec les unités de terrain, qu’elles
appartiennent à d’autres directions au sein de la DGPN ou de la DRPP ou à la
même direction (cas des brigades de Gendarmerie). Sauf à doter le nouveau
service spécialisé de ressources humaines très importantes, bien au-delà des
créations d’emplois déjà conséquentes opérées depuis 2014, l’ensemble risque de
perdre en efficacité dans la collecte de l’information de proximité qui repose sur
un maillage beaucoup plus vaste que les seuls services en charge du
renseignement territorial, c’est-à-dire sur l’ensemble des unités de base de la
Police et de la Gendarmerie.
Le troisième axe consiste à créer une agence nationale de lutte contre le
terrorisme placée auprès du Premier ministre (1). Depuis le Conseil national du
renseignement du 13 janvier 2016, sur le territoire national « le pilotage
opérationnel quotidien de la stratégie de lutte contre le terrorisme est placé sous
l’autorité directe du ministre de l’Intérieur avec le concours de l’ensemble de la
communauté française du renseignement ». Il a ainsi été acté le leadership de la
DGSI dans la définition de la manœuvre globale de la lutte antiterroriste. Pour
autant, pour les partisans d’une agence nationale, la définition de la stratégie doit
englober l’ensemble des services concourant à la lutte contre le terrorisme, et
relève davantage d’une entité interministérielle que de l’action d’un « chef de file
ministériel », quand bien même il serait reconnu au plus haut niveau de l’État.
Les partisans de cette proposition la prolongent par une autre réforme
ambitieuse qui consiste à transformer le Coordonnateur national du renseignement
en un véritable directeur national du renseignement directement rattaché au
Premier ministre qui disposerait de l’agence, mais aussi de l’Inspection et de
l’Académie du renseignement (2). Ce directeur national aurait vocation à arbitrer
les budgets des différents services et jouerait un rôle plus important dans les
autorisations de mise en œuvre des techniques de renseignement. Il demeurerait le
conseiller du Président de la République en matière de renseignement.
Ces réformes sont en partie inspirées par l’expérience américaine et ont le
mérite d’une architecture claire, encore qu’elles modifieraient quelque peu
l’équilibre institutionnel et notamment la relation toujours complexe dans la
pratique constitutionnelle de la Ve République entre le Président de la République
et le Premier ministre.
La voie choisie par les autorités de l’État est plus pragmatique et a l’avantage
d’une plus grande plasticité pour s’adapter aux évolutions de la menace. Elle a
(1) Assemblée nationale n° 3922 précité, p.189 et suivantes.
(2) Assemblée nationale n° 3922 précité, p.192 et suivantes.