Sur le contrôle préalable de la mise en œuvre des techniques de
renseignement (article 11 sexies du projet de loi)
28. Le projet de loi modifie les dispositions de l’article L. 821-1 du code de la sécurité
intérieure (CSI) afin de prévoir que pour l’ensemble des techniques de renseignement,
leur mise en œuvre, en cas d’avis défavorable de la CNCTR, implique obligatoirement
une saisine de la formation spécialisée du Conseil d’Etat par la CNCTR. Dans cette
hypothèse, le Conseil d’Etat dispose d’un délai de vingt-quatre heures pour statuer,
délai pendant lequel la technique de renseignement en cause ne peut être mise en
œuvre, sauf en cas d’urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné sa
mise en œuvre immédiate.
29. A cet égard, la Commission relève que ces dispositions visent à tenir compte des
observations formulées par le Conseil d’Etat dans sa décision du 21 avril précité,
éclairée par les exigences européennes rappelées par la CJUE. La mise en œuvre de
l’ensemble de ces techniques est subordonnée à une décision dotée d’effet
contraignant, prise par une juridiction ou une entité administrative indépendante. La
réforme revient donc à soumettre la mise en œuvre d’une technique de renseignement,
hors cas d’urgence, à l’avis conforme de la CNCTR, sauf à ce qu’une décision de justice
en décide autrement. La Commission accueille favorablement le principe d’une telle
évolution.
30. Elle considère cependant que le projet de loi appelle les observations suivantes.
31. En premier lieu, la Commission estime que le dispositif est inutilement
complexe en ce qu’au lieu de prévoir un avis conforme de la CNCTR, il prévoit une
saisine du Conseil d’Etat, par des membres de la CNCTR et non le Premier ministre,
dans l’hypothèse où un avis défavorable serait rendu. Elle relève en outre que les
dispositions projetées permettent formellement au Premier ministre d’autoriser la
mise en œuvre immédiate d’une technique de renseignement après l’avis défavorable
de la CNCTR et avant que le Conseil d’Etat ait statué. La Commission invite le
Gouvernement à prévoir un dispositif plus simple et plus protecteur en prévoyant un
avis conforme de la CNCTR. Elle recommande donc qu’il soit, sauf dans certains cas
d’urgence, interdit au premier ministre d’autoriser la mise en œuvre d’une technique
de renseignement après avis défavorable de la CNCTR. Il reviendrait alors au Premier
ministre soit de renoncer à la mise en œuvre de la technique, soit de saisir lui-même le
Conseil d’Etat.
32. En deuxième lieu, si la Commission comprend qu’il soit nécessaire, au regard
des enjeux, que la formation du Conseil d’Etat statue dans les plus brefs délais, elle
estime possible qu’un délai de vingt-quatre heures ne soit pas toujours suffisant pour
juger des cas les plus complexes. Dans l’hypothèse où le juge ne parviendrait pas,
malgré sa diligence, à trancher le litige dans ce délai, elle estime qu’il résulte du texte
que la mesure de renseignement ne pourra pas être mis en œuvre tant qu’elle n’aura
pas été autorisée par la décision de justice.
33. En troisième lieu, le projet de loi abroge l’article L. 821-5 du CSI qui prévoit que
dans certaines situations d’urgence et pour des finalités limitées, le Premier ministre
peut autoriser la mise en œuvre d’une technique de renseignement sans avis préalable
de la CNCTR.
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