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volonté du législateur est de placer l’utilisation de ces fonds sous le contrôle du
Parlement, comme dans plusieurs démocraties comparables à la France (1). Cette
volonté se traduit notamment par la prééminence des parlementaires dans la
composition de la commission (quatre sur six) et le fait que la présidence soit confiée
à l’un d’entre eux. » Dans ce cadre, selon l’exécutif, les risques pour la sécurité
nationale dénoncés par les sénateurs étaient évités grâce au respect du secret
de la défense nationale prévu par la loi.
En outre, le Gouvernement observait que l’objet même des
investigations décrites, consistant à vérifier la conformité de l’emploi des
crédits à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances, et non à
participer aux décisions prises par le pouvoir exécutif quant au choix et à la
réalisation des opérations, ne pouvait pas être considéré comme une entorse
au principe de séparation des pouvoirs.
En définitive, le seul point d’accord entre le Gouvernement et le
Sénat résidait dans la nature parlementaire du contrôle effectué par la
CVFS (2). Pourtant, la doctrine s’étonna de cette qualification (3) et
s’interrogea sur l’essence de ce contrôle dès lors que le Parlement ne dispose
d’aucun pouvoir de sanction, de réformation voire de recommandation
publique et que la production demeure confidentielle (4). Dans le même
esprit, le Livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale rangeait la
CVFS dans la catégorie des autorités administratives indépendantes (5), sans
doute à bon droit au regard de sa composition hybride et de son rôle de
certification des comptes.
Dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 (6), le Conseil
constitutionnel s’est rangé aux arguments des sénateurs et a jugé – en
s’appuyant sur l’article 35 de la Constitution - que le Parlement ne saurait
intervenir dans les « opérations en cours ». La censure a également porté sur le
pouvoir d’enquête conféré à la commission pour ne pas porter préjudice à
ces mêmes opérations. De manière quelque peu prétorienne (7) et sans tenir
compte des arguments présentés par le pouvoir exécutif lui-même, le Conseil
constitutionnel a ainsi fortement borné le périmètre de ce contrôle qu’il a
estimé parlementaire, l’a privé de pouvoir d’enquête et a consacré la notion
(1) À ce titre, le Gouvernement aurait pu citer le cas de l’Allemagne, où neuf membres de la commission
des finances du Bundestag sont désignés à cette fin et forment « le comité de confiance ».
(2) C’est bien le Gouvernement et les parlementaires qui ont affirmé cette nature parlementaire et non le
Conseil constitutionnel comme l’avance Sandrine Cursoux-Bruyère, « Les fonds spéciaux : les zones
d’ombre de la réforme », Petites affiches, 5 janvier 2006, n°4.
(3) Cf. par exemple Xavier Cabannes, « La réforme des fonds spéciaux », article cité, p. 38.
(4) Sandrine Cursoux-Bruyère, article cité.
(5) Défense et sécurité nationale : Le Livre blanc, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 140.
(6) Sans fournir plus d’explications supplémentaires que celles proposées par les sénateurs dans sa
décision ou dans les commentaires publiés par la suite (in Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n°12).
(7) Xavier Cabannes formule des critiques identiques in « La réforme des fonds spéciaux », article cité,
note 33 p. 38. Sur cette décision, lire également Jean-Claude Zarka, « La décision du Conseil
constitutionnel du 27 décembre 2001 relative à la loi de finances pour 2002 », Recueil Dalloz, 2002,
p. 331.

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