Chapitre II
LE STATUT DES FICHIERS, DE LA LIBÉRATION A NOS JOURS
On constate un certain flottement dans les semaines qui suivirent la Libération.
Paradoxalement, les premières mesures prises visaient plus à
sauvegarder les fichiers et documents issus de la législation antijuive qu'à les détruire. Ce sont, en effet, les « collaborateurs » qui,
à cette époque, poussaient à la destruction afin de supprimer toutes
traces écrites de leurs activités. N'oublions pas qu'allaient bientôt
s'ouvrir les procès visant à réprimer les faits de collaboration.
C'est ainsi que, par lettre officieuse adressée le 22 août 1944
au Comité de libération de la Région parisienne (Groupe de la
résistance du ministère des Finances), le directeur des services
juridiques du Commissariat général aux questions juives (CGQJ),
chargé des affaires courantes par intérim, rend compte de ce qu'en
son absence, et malgré ses instructions, certaines archives ou
certains documents du CGQJ avaient été détruits.
Dans un compte rendu adressé officiellement, cette fois, au
ministre de la Justice, l'auteur du rapport donne les précisions suivantes sur ces destructions, intervenues dans les journées du 17 au
21 août 1944.
« M. Antignac, secrétaire général aux questions juives, avait
donné l'ordre de transférer dans le bâtiment central du CGQJ,
1, place des Petits-Pères, les fichiers de la Section d'enquête et
de contrôle (SEC) (*) qui se trouvaient à l'annexe, 17, rue Notre-Damedes-Victoires, et de faire disparaître les rapports des inspecteurs de
ladite police.
« Ces ordres ont été exécutés dans les journées des 17 et
18 août et les rapports d'enquête ont été brûlés, ainsi que tous les
habitants du quartier ont pu le constater par toute la fumée qui
s'est dégagée au cours de l'opération. »
Il ajoute « qu'un reliquat de document de la SECC qui subsistait
au cabinet du secrétaire général a été transporté ultérieurement
par deux secrétaires, à la chaudière du chauffage central mais,
celle-ci n'ayant pu fonctionner, les documents ont été lacérés ».
(*) Ex-police aux questions juives (PQJ).
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