Jurisprudence française et européenne

dérobèrent à tout commentaire et refusèrent de fournir des échantillons de
voix. La police obtint alors l’autorisation, conformément aux directives,
d’installer des dispositifs d’écoute cachés dans les cellules des requérants
et d’en cacher sur les policiers qui devaient être présents lors de la mise en
accusation des intéressés. Des échantillons de voix des requérants furent
donc enregistrés à leur insu et envoyés à un expert pour qu’ils les comparent avec les voix enregistrées dans l’appartement. Les requérants contestèrent la recevabilité des preuves obtenues au moyen du dispositif d’écoute
caché dans l’appartement. L’accusation invoqua l’immunité dans l’intérêt
public à l’égard de certains documents qu’elle ne souhaitait pas divulguer à
la défense, dont le rapport remis au préfet de police. Le policier concerné refusa de répondre au contre-interrogatoire au motif qu’il risquait de révéler
des éléments sensibles mais, avec l’accord de l’avocat de la défense, le juge
du fond interrogea le policier à huis clos, hors de la présence des requérants
et de leurs avocats. Les réponses ne furent pas divulguées et le juge écarta
l’exception d’irrecevabilité des preuves obtenues grâce aux dispositifs installés dans l’appartement. Il rejeta aussi l’exception d’irrecevabilité des
preuves obtenues par les dispositifs cachés au poste de police. Par la suite,
les requérants furent reconnus coupables et condamnés à une peine d’emprisonnement de quinze ans. On leur refusa l’autorisation de faire appel.
En droit : article 8 (dispositif d’écoute dans l’appartement de B.) – nul
ne conteste que cette surveillance a constitué une ingérence dans le droit au
respect de la vie privée ; le Gouvernement a reconnu que l’ingérence n’était
pas « prévue par la loi ». Les directives n’étaient ni contraignantes juridiquement ni directement accessibles au public et, en l’absence à l’époque de législation interne réglementant l’usage de ces dispositifs, l’ingérence n’était
donc pas prévue par la loi.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 8 – (information sur l’usage du téléphone de B.) – nul ne
conteste que l’obtention par la police d’informations relatives à l’usage du
téléphone situé dans l’appartement de B. a constitué une ingérence dans le
droit des requérants au respect de leur vie privée ou de leur correspondance. Les parties sont convenues que la mesure se fondait sur l’autorité de
la loi et que la question était plutôt de savoir s’il existait des garanties suffisantes contre l’arbitraire. Les informations obtenues portaient sur les numéros de téléphone appelés à partir de l’appartement de B. mais non sur la
teneur des appels ou l’identité des interlocuteurs ; les renseignements collectés et l’usage qu’on pouvait en faire étaient donc très limités. Même s’il
apparaît qu’il n’y avait pas de loi particulière régissant le stockage et la destruction des informations. La Cour n’est pas convaincue que l’absence de
pareille disposition formelle détaillée ait soulevé un quelconque risque d’arbitraire ou d’abus. Il n’apparaît pas non plus qu’il y ait eu une absence de prévisibilité, puisque le cadre légal pertinent autorisait la divulgation à la police.
La mesure en cause était donc prévue par la loi. De plus, les renseignements
avaient été obtenus et utilisés dans le contexte d’une enquête sur des soupçons quant à l’existence d’une association de malfaiteurs pour perpétrer un

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