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La rupture s’appuie en effet sur deux mécanismes complémentaires.
Premièrement, elle vient changer les normes et les critères de performance
industrielle. Deuxièmement, en modifiant les compétences et les ressources
nécessaires à la performance, elle frappe d’obsolescence celles qui opéraient
jusqu’alors, et transforme les forces en faiblesses. Les actifs des entreprises
installées deviennent graduellement obsolètes et constituent des freins à leur
adaptation aux nouvelles normes, tandis que les normes et pratiques des
nouveaux entrants s’imposent comme les nouveaux standards de
performances à acquérir.
Dans ces conditions, nos fleurons industriels que sont Airbus Defence
and Space et Thales Alenia Space ont mis en place de nouveaux programmes
pour conserver leur avance stratégique sur un marché en pleine mutation.
Avec le programme OneWeb, Airbus Defence and Space ambitionne de
faire passer les méthodes de fabrication des satellites de télécommunication
de l'artisanat à l'ère industrielle, avec une production de 500 et 600 unités par
an, permettant de diviser le coût des satellites par 50 et d’offrir des
connexions internet bon marché dans le monde entier. C’est une véritable
rupture pour cette industrie habituée au sur-mesure. Airbus fait appel à des
industriels issus par exemple du secteur de l’électronique automobile pour
leur expertise dans la production en grandes séries à bas coût. L’activité
industrielle engendrée par le programme OneWeb doit ainsi permettre de
développer et de pérenniser en France des produits, processus et savoir-faire
sans équivalent dans le monde spatial. La seconde génération de satellites
OneWeb est déjà à l’étude et souligne combien ce programme est un
véritable catalyseur de transformation pour toute la filière et permet à notre
pays d’être désormais bien positionné sur le marché de méga-constellations
de satellites.
De son côté, Thales Alenia Space a constitué son cluster d’innovation
dès 2014. Trois Fab Lab ont été créés à Toulouse (2017), Rome (2018) et
Cannes (2019) avec pour ambition de familiariser les ingénieurs du groupe
aux technologies émergentes. Le centre d'innovation a incubé en mode startup deux projets stratégiques dans les nanotechnologies et l'optique. Un
troisième projet a abouti à la définition d'un mini-satellite géostationnaire de
télécoms que le groupe propose dans les appels d'offres ; et un quatrième
projet a permis à Thales de remporter le contrat du satellite de télécoms
Bangabandhu-1 du Bengladesh lancé en mai 2018, grâce à une nouvelle
architecture du système de communication optimisant les ressources.
Réussir à franchir la marche des technologies de rupture suppose
également de mettre en place un écosystème favorable au financement du
risque. C’est ainsi que le CNES a lancé le fonds CosmiCapital de soutien aux
start-up en phase de démarrage et doté de 100 millions d’euros. Le CNES
apporte son expertise et ouvre à de jeunes PME les portes de l’écosystème
industriel spatial comme il le fait avec l’entreprise Hemeria qui a développé
avec succès le projet de nano-satellite ANGELS.