Observations sur les motifs légaux d’interception
Toute forme d’espionnage, y compris économique comme le transfert illicite de technologie, est clairement incriminée par ces articles : est en
effet visée, notamment, la fourniture de procédés.
Cette fourniture peut être le fait d’auteurs divers (ingénieurs, agents
de renseignement de pays tiers, « honorables correspondants », officines
« spécialisées » dans l’espionnage économique) et être destinée non seulement à des services de renseignements de pays tiers (« puissances étrangères ») mais également à des entreprises 1 ou organisations étrangères.
Un exemple, bien évidemment déconnecté de tout dossier réel, permettra de mieux illustrer la légitimité d’une demande d’interception de
sécurité formulée dans un contexte d’espionnage économique.
Une personne est suspectée de recueillir en vue de leur transfert illicite des secrets de fabrication d’un groupe français leader mondial dans sa
spécialité.
Le transfert illicite d’un secret de fabrication à une entité étrangère
permet d’établir la réunion de plusieurs éléments constitutifs des délits de
l’article 411-7 du Code pénal (on peut d’ailleurs noter que « la communication de secret de fabrique » était déjà incriminée par l’ancien article 418).
Ce transfert illicite d’un procédé de fabrication, détenu exclusivement
par un groupe national leader dans sa spécialité, est bien de nature à porter
gravement atteinte aux éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France. Il constitue sans aucun doute une atteinte aux intérêts
fondamentaux de la Nation. Les éléments constitutifs d’une suspicion de
commission du délit visé à l’article 411-7 du Code pénal, dont on remarquera qu’il constitue un mode original de répression de la tentative, (le
recueil des informations sans livraison de celles-ci est en soi punissable
comme l’est le faux en écriture, acte préparatoire d’une éventuelle escroquerie), sont réunis et l’interception de sécurité parfaitement fondée en
droit.
Il résulte de ce qui précède qu’en dépit de la définition extensive
donnée au concept d’intelligence économique, les interceptions sollicitées
sous le motif « sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique
et économique de la France » dont la formulation est directement reprise du
Code pénal et renvoie à des infractions précises, doivent d’une part
répondre à une suspicion d’atteinte à ce potentiel, une menace réelle sur les
recherches en cours, les brevets, le know how, etc. et que, d’autre part, la
1) Le terme entreprise étant ici entendu non au sens « d’entreprise terroriste » comme dans
l’article 421-1 du Code pénal, mais bien au sens du droit commercial du droit du travail et de
l’économie politique à savoir la réunion des facteurs de production du capital et du travail
nécessaires à la mise en œuvre d’une activité professionnelle déterminée.
63