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poreuse du fait d’une tradition ancienne de commerce et de trafic entre le
Nord de la Syrie et le Sud de la Turquie. La Turquie a en effet une frontière
terrestre de plus de 900 km avec la Syrie et 350 km avec l’Irak, de sorte qu’il
est impossible de la contrôler efficacement. Par ailleurs, certains migrants
arrivent désormais par bateaux clandestins directement dans le Sud de la
Turquie en provenance d’Italie. Au total, selon les services français, une
personne qui parvient à pénétrer en Turquie est quasiment certaine de
parvenir à gagner la Syrie.
Dès avant la visite du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve le
26 septembre 2014, il existait à la demande des services français une
coopération avec les services turcs pour tenter d’enrayer le départ de jeunes
Français vers le territoire syrien ou irakien ou contrôler leur retour.
Cette coopération, réelle et assez approfondie, reste néanmoins
pour plusieurs raisons en deçà de ce que souhaiteraient les autorités
françaises. D’abord, les autorités turques disent à juste titre qu’il serait
préférable d’empêcher les djihadistes de partir plutôt que de les arrêter une
fois qu’ils sont arrivés en Turquie. Elles soulignent aussi et qu’il est étonnant
de leur demander de mettre en œuvre des mesures attentatoires aux libertés
que la législation du pays de départ n’autorise pas sur son propre territoire.
Ensuite, la hiérarchie des préoccupations turques est quelque peu
différente de celle des pays européens. Ceux-ci sont horrifiés par les
exactions des groupes terroristes, en particulier de Daech, et redoutent que
leurs ressortissants ne participent aux actions de ces groupes en Syrie et
commettent des attentats à leur retour en Europe. Pour leur part, les
autorités turques, bien qu’engagées dans un dialogue avec les Kurdes,
posent une équivalence entre le terrorisme de Daech et celui du PKK,
regrettant que les pays européens ne coopèrent pas davantage dans ce
domaine. En outre, la Turquie connaît un afflux de réfugiés syriens d’une
telle ampleur qu’il constitue un véritable défi pour ce pays : près de deux
millions de réfugiés ont franchi la frontière syrienne, dont seulement
220 000 environ ont pu être placés dans des camps de réfugiés, les autres
s’étant installés dans des villes et des villages du Sud de la Turquie. La prise
en charge de ces réfugiés dans les camps et les mesures destinées à venir en
aide à ceux qui sont dispersés dans les villes est très coûteuse et sera sa ns
doute de moins en moins bien acceptée par la population.
Ainsi, comme les services turcs l’ont rappelé aux services français,
ceux-ci ne sont qu’une «pièce du puzzle » dans les problèmes que les autorités
turques ont à affronter.
Malgré cette situation, la coopération fonctionne et peut prendre
essentiellement deux formes : le refoulement d’un Français à la frontière
turque ; l’organisation du retour d’un Français appréhendé par les Turcs de
leur propre initiative ou à la demande des services français alors qu’il est
repassé de Syrie en Turquie.

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