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en cause et pour lesquelles les services de police judiciaires disposent
d’éléments de preuve quant à leur participation à des actions terroristes,
l’évaluation de leur dangerosité est également problématique compte tenu
du caractère « stéréotypé » de leurs déclarations qui ne permettent pas de
distinguer les personnes véritablement repenties des autres1. La difficulté de
« distinguer le vrai du faux » et le temps très limité de l’enquête sont enfin de
nature à précipiter la judiciarisation du dossier, par crainte de la commission
d’un attentat, et à rendre plus difficile la qualification des faits ainsi que la
collecte des éléments de preuves, éléments essentiels dans la suite de la
procédure judiciaire 2.
Votre rapporteur relève que cet accroissement du nombre de cibles à
surveiller et l’importance cruciale de l’évaluation de leur dangerosité pose la
question des moyens humains et techniques dont disposent les services,
débordés par les signalements exigeant un suivi, et des capacités
d’investigation qu’ils sont autorisés à mettre en œuvre. À cet égard, les cibles
considérées comme les plus dangereuses et nécessitant un suivi approfondi
sont extrêmement consommatrices en moyens techniques et humains, la
surveillance d’un individu 24 heures sur 24 exigeant entre 10 et
20 fonctionnaires. Certes, aux créations de postes d’ores et déjà programmés
à la DGSI sont venues s’ajouter les renforcements annoncés par le
Gouvernement le 21 janvier 2015. Toutefois, ces effectifs ne seront pas
immédiatement mobilisables et devront être formés avant d’être engagés sur
le terrain.
Enfin, votre rapporteur ne saurait oublier que la dangerosité de
certains individus impliqués dans les filières djihadistes questionne les
modes d’action des forces d’intervention spécialisées (GIGN, RAID et
BRI-BAC) - services qui participent pleinement à l’effort national de lutte
contre le terrorisme comme l’ont rappelé les évènements de janvier dernier -,
qui sont désormais obligés de tenir compte, en cas de gestion d’une crise
terroriste, de la très grande détermination d’individus prêts à mourir après
la commission de leurs actes.
« Ceux qui reviennent tiennent le même discours stéréotypé : ils sont revenus car ils sont
« dégoûtés », on ne leur a pas laissé la possibilité de rentrer plus tôt, ils se sont échappés…
Certains sont sincères ; d’autres sont sans doute restés radicaux et simulent la déception ».
2 « Auparavant, nous avions six à huit mois pour nous assurer que les djihadistes de retour
ne préparaient pas d’attentats », « Il y a quelques années, nous pouvions nous offrir le luxe
de les surveiller physiquement ou de les écouter pendant presque un an. Mais suivre à la
trace un groupe de cinq ou six personnes, les écouter, décrypter leurs échanges, demande
des moyens importants et du sang froid. Or depuis l’affaire Merah, la peur de manquer
quelque chose pousse les services à interpeller le plus tôt possible ».
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