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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
au commerce de la viande halal et le financement du culte. Je ne veux pas griller
la politesse au Premier ministre, mais il est difficile de parler du djihadisme
sans évoquer l’islam de France.
M. Jean-Yves Leconte. – Je suis moi aussi très gêné par ces
amendements. Le Président de la République a demandé au président Larcher
de travailler sur cette question…
Mme Nathalie Goulet, présidente. – Pas tout à fait sur cette
question.
M. Jean-Yves Leconte. – Un État laïque n’a pas à organiser les
religions. Je ne suis pas favorable à ces amendements, décalés par rapport à nos
préoccupations présentes : ce sujet n’était nullement au centre de nos auditions.
En outre, il pourrait susciter des polémiques inutiles, dommageables à nos
travaux.
Mme Nathalie Goulet, présidente. – Lorsque M. Sarkozy a
réorganisé l’islam de France, c’est bien l’État qui s’en est occupé.
M. Jean-Yves Leconte. – Justement, ce n’était peut-être pas une
bonne idée !
M. André Reichardt, président. – Ne pas avoir d’interlocuteur
représentatif d’une religion est un problème. Aux États-Unis, la gestion du
contre-discours sur internet est déléguée par le Gouvernement aux
communautés. Un sénateur de New York, ville qui a été frappée dans sa chair le
11 septembre 2001, nous a raconté comment il allait à la rencontre des
communautés pour les responsabiliser dans la lutte contre la radicalisation. En
France, nous ne pouvons pas en faire autant. Cela peut-il continuer ? Je n’ai rien
contre l’actuel président du CFCM mais il n’est plus du tout représentatif. Les
aumôniers nous ont même dit qu’en prison, son autorité n’est pas reconnue.
Mme Bariza Khiari. – Je comprends vos préoccupations. Cela dit, en
France, depuis Napoléon qui a organisé le culte israélite à partir du Grand
Sanhédrin, jusqu’à Nicolas Sarkozy qui s’est penché sur le culte musulman,
l’État s’est bien mêlé d’organisation des religions. Le CFCM s’est sans doute
coupé des musulmans en devenant un conseil de notables, ne s’adressant
qu’aux institutions, jamais aux pratiquants. Le ministère de l’Intérieur réfléchit
à un changement d’appellation, voire à la création d’une instance de
concertation rassemblant des responsables religieux, des philosophes, des
représentants de la société civile qui se reconnaissent comme appartenant à la
sphère de l’islam… Qui en fixera l’ordre du jour ? La laïcité ne nous aide pas, en
ce domaine. Mais nous avons incontestablement besoin d’interlocuteurs. Les
propositions évoquées ont le mérite d’exister, mais elles ne peuvent faire l’objet
d’un consensus dans notre commission, parce qu’elles ne sont pas abouties et
parce qu’elles interfèrent avec la réflexion menée au ministère de l’Intérieur. Je
suggère une contribution annexée au rapport.