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de la Mecque ne sont pas admis en détention pour des raisons de sécurité.
De même, comme le relate Didier Fassin, des incidents peuvent naître de
l’application subjective des règles relatives au transport des objets cultuels :
un surveillant peut autoriser un détenu à emporter le Coran en promenade
mais le lui refuser le lendemain. Il en va de même pour les tapis de prière ou
le port en dehors de la cellule de signes « ostentatoires de religiosité » telle la
djellaba ou les qamis. Ces incidents pourtant « dérisoires » engendrent
parfois des sanctions disciplinaires, perçues comme d’autant plus injustes
que l’application de la règle est parfois inconstante.
Une note de la directrice de l’administration pénitentiaire du 16
juillet 2014 relative à la pratique du culte en détention est venue rappeler que
les objets ou vêtements cultuels ne sont autorisés qu’en cellule et en salle
polycultuelle et qu’en conséquence, le transfert de ces objets entre ces lieux
doit s’effectuer dans un sac. En raison d’incidents nés de fouilles de sécurité
de cellule effectués pendant les temps de prière, la note du 16 juillet 2014
rappelle que les objets cultuels sont « chargés d’une valeur symbolique forte » et
invite le personnel pénitentiaire à « manipuler ces objets avec soin ». Le
personnel de surveillance est incité à attendre la fin des temps de prière
avant d’intervenir en cellule ou dans la salle polycultuelle, sauf si une
urgence manifeste ne le permet pas ou lorsque la personne détenue cherche à
faire obstruction à une mesure de contrôle 1.
Il ressort des auditions menées par votre commission d’enquête,
notamment lors de son déplacement à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis,
que les détenus de confession musulmane se plaignent de ne pas se voir
proposer des menus composés de viande halal2 ainsi que de ne pouvoir
acquérir via la « cantine3 » qu’un choix limité de produits, dont ils doutent
par ailleurs de la certification halal. Les détenus voient également une
manifestation de « mépris de l’administration pénitentiaire » dans
l’insuffisance des rations alimentaires distribuées pendant le Ramadan 4 ou
dans l’existence d’un colis de noël, qui illustrerait « la suprématie du
christianisme dans une république pourtant laïque ».
Votre rapporteur constate, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer
sur la véracité de ces discriminations ressenties, que les incidents sont
nombreux. Outre une meilleure formation liée aux pratiques propres à
chaque culte, ces incidents pourraient être évités grâce à un meilleur
dialogue entre l’administration et les autorités cultuelles et à une attention
Selon le décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire, le
personnel du service public pénitentiaire doit adopter « un comportement appliquant les
principes de respect absolu, de non-discrimination et d’exemplarité (…) dans une stricte
impartialité vis-à-vis de ces personnes » et faire preuve « en toutes circonstances, (…) d’une
neutralité respectueuse ».
2 Avis du 24 mars 2011 relatif à l’exercice du culte dans les lieux de privation de liberté .
3 La cantine désigne le service payant permettant aux détenus d’acquérir des biens et des services
avec les sommes figurant sur la part disponible de leurs comptes nominatifs.
4 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 163.
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