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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
4. Neutraliser les phénomènes carcéraux de radicalisation
Comme votre rapporteur l’a indiqué précédemment, la prison est un
lieu propice aux phénomènes de radicalisation1. Cette situation s’est
aggravée avec les premières incarcérations des combattants djihadistes
revenant de la zone irako-syrienne. À la date du 29 janvier 2015, 87
personnes liées à une filière djihadiste étaient incarcérées.
Ce constat appelle à définir un programme de prise en charge de la
radicalisation adapté à l’ampleur du phénomène, en s’appuyant sur la
longue expérience de l’administration pénitentiaire dans la gestion des
détenus terroristes.
a) Permettre une pratique apaisée des cultes pour ne pas renforcer les
phénomènes de radicalisation
Depuis les travaux de Michel Foucault, nombre d’études
sociologiques ont mis en évidence la perméabilité de la prison aux
phénomènes de société. Récemment, Didier Fassin écrivait que le monde
carcéral est « à la fois le reflet de la société et le miroir dans lequel elle se
réfléchit... La prison n’est pas séparée du monde social : elle en est l’inquiétante
ombre portée2». Le sociologue Farhad Khosrokhavar a particulièrement insisté
sur le rôle des frustrations économiques ou sociales dans la radicalisation
pénitentiaire, exacerbées par la surpopulation endémique des prisons 3. À cet
égard, votre rapporteur fait siennes les propositions de notre collègue JeanRené Lecerf et renvoie à ses rapports 4.
La religion musulmane est considérée par nombre de détenus
comme la « religion des opprimés 5 ». Les restrictions liées à l’exercice du culte
musulman peuvent dès lors renforcer les sentiments de stigmatisation et de
frustration, qui alimentent les phénomènes de radicalisation : « nombre de
détenus pensent sincèrement, à tort ou à raison, que l’islam est l’objet de
discrimination par rapport au christianisme et au judaïsme 6». Il convient donc
d’être particulièrement attentif à ces questions.
(1) Ne pas négliger les difficultés liées à la détention des objets cultuels et
à l’alimentation confessionnelle
Des incidents parfois violents peuvent naître d’une incompréhension
entre surveillants et détenus quant à la détention d’objets cultuels. Ainsi, les
tapis de prière intégrant une boussole métallique pour indiquer la direction
Cf. pages 51 et 120.
Didier Fassin, L’ombre du Monde, La couleur des idées, Seuil, janvier 2015, page 37.
3 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 157.
4 En particulier le rapport d’information n° 629 (2011-2012) de M. Jean-René Lecerf et Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat, fait au nom de la commission des lois et de la commission pour le contrôle de
l’application des lois : Loi pénitentiaire : de la loi à la réalité de la vie carcérale.
5 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 159.
6 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 162.
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