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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE

incertains : par exemple, la Cour de cassation n’a pas encore tranché sur la
spécificité des tweets et surtout des « retweets » pour déterminer le point de
départ de la prescription.
Il ne saurait pour autant se déduire de ces difficultés avérées qui
fragilisent l’action publique la nécessité de transférer l’ensemble des
propos de haine hors du champ d’une loi qui veille depuis plus d’un siècle
à une répression aussi limitée que possible des délits d’opinion.
S’il apparaît possible à court terme de procéder marginalement à des
aménagements procéduraux liés notamment aux règles de prescription, en ce
qui concerne l’utilisation de la voie numérique, une telle réponse resterait
incomplète et ne permettrait pas d’éviter des modifications ultérieures.
Il convient ainsi aujourd’hui de ne pas faire l’économie de ce
débat et de s’interroger sur la fonction de la loi du 29 juillet 1881. Si son
régime procédural est fondé sur la nécessité de protéger la liberté de la
presse et le droit d’informer, ce régime s’applique aujourd’hui également
pour définir les limites du droit à la liberté d’expression de chacun.
Votre rapporteur considère ainsi qu’il est justifié de réactualiser le
débat sur sa codification, entreprise d’amélioration de l’intelligibilité,
d’accessibilité et de lisibilité du droit. En 2011, la commission supérieure de
codification rappelait la création inaboutie du code de la communication,
création qui s’était heurtée à la « sacralisation de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse dont la codification aurait impliqué l’abrogation 1 ». En effet,
nombre d’éditeurs et de journalistes craignaient une dilution des principes
fondamentaux qui caractérisent actuellement le droit de l’information, réunis
dans sa loi du 29 juillet 1881.
Pourtant, comme le soulignait le Conseil d’État dans son étude de
2006 sur codification du droit de la communication 2, un code du droit de la
communication permettrait d’harmoniser les régimes de communication
au public. Notamment, si la LCEN présente de nombreuses convergences
avec le régime de responsabilité défini dans la loi de 1881, elle présente les
mêmes lacunes lorsqu’il s’agit d’appréhender les comportements délictuels
qui ont une large diffusion et une certaine clandestinité permises par la
technologie.
Un débat sur la codification d’un code de la communication
permettrait aussi une réflexion sur la régulation inachevée des services de
communication au public en ligne. Selon une personne entendue par votre
commission d’enquête, des récents débats ont suscité des difficultés de
conciliation entre la régulation de la communication audiovisuelle, régie par
la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à la liberté
de la presse, défendue par la loi du 29 juillet 1881. Or on constate bien une
22e rapport annuel de la Commission supérieure de codification pour l’année 2011, page 21.
Conseil d’État, Inventaire méthodique et codification du droit de la communication, étude adoptée
par l’Assemblée générale du Conseil d’État le 9 février 2006, page 50.
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