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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
En effet, l’article 226-3 du code pénal incrimine « la fabrication,
l’importation, la détention, l’exposition, l’offre, la location ou la vente en l’absence
d’autorisation ministérielle (…) de dispositifs techniques (…) ayant pour objet la
captation de données informatiques prévue par l’article 706-102-1 du code de
procédure pénale ». Dès lors, chaque dispositif technique dont les juges
d’instruction souhaiteraient faire usage doit faire l’objet d’une autorisation
ministérielle1. Selon l’Agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information (ANSSI) entendue par votre commission d’enquête, cette
autorisation ministérielle préalable à la vente et à la fabrication de ces
appareils se justifie par les atteintes qu’ils portent à la vie privée.
Or, si cette certification semble nécessaire pour les « logiciels
espion » vendus au grand public, on peut s’interroger sur l’opportunité de
viser spécifiquement les dispositifs permettant la réalisation d’une procédure
judiciaire d’investigation, en assimilant ainsi les atteintes aux secrets des
correspondances commises par les particuliers à celles commises
légitimement par les personnes dépositaires de l’autorité publique. En outre,
du point de vue de la séparation des pouvoirs, il semble délicat de maintenir
une autorisation ministérielle pour un dispositif utilisé par l’autorité
judiciaire. De plus, le temps de l’instruction pénale n’est pas nécessairement
celui d’une autorisation ministérielle préalable.
Afin de permettre aux magistrats d’utiliser la procédure de l’article
706-102-1, votre rapporteur préconise par conséquent de modifier l’article
226-3 du code pénal afin de n’imposer une autorisation ministérielle qu’aux
dispositifs techniques de nature à pouvoir constituer les infractions
d’atteinte à la vie privée de l’article 226-1 du code pénal et d’interception
illicite de correspondances par la voie électronique de l’article 226-15 du
code pénal, sans mention explicite de la procédure d’investigation de
l’article 706-102-1. Cette modification serait complétée pour organiser une
exception à destination des prestataires ou des experts désignés par les juges
d’instruction, en application de l’article 156 du code de procédure pénale,
pour développer et mettre en œuvre un tel dispositif technique.
Toutefois, eu égard aux enjeux de sécurité soulevés par l’ANSSI, il
semble opportun que les experts désignés figurent obligatoirement sur les
listes mentionnées à l’article 157 du code de procédure pénale 2. Cet expert,
qui peut être une personne physique ou morale, ferait ainsi l’objet d’une
enquête approfondie, notamment par les services de l’ANSSI avant son
inscription sur les listes. Cela permettrait à l’ANSSI de procéder
postérieurement à un examen approfondi des dispositifs techniques
permettant la captation de données informatiques réalisés par ledit expert et
de le sanctionner le cas échéant. Dans l’hypothèse où, par décision motivée,
Arrêté du 4 juillet 2012 fixant la liste d’appareils et de dispositifs techn iques prévue par l’article
226-3 du code pénal.
2 L’article 157-1 prévoit qu’à titre exceptionnel, « les juridictions peuvent, par décision motivée,
choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes ».
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