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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
cet égard que la « guerre des polices » avait été « ravivée » et que cette pratique
de la co-saisine ne donnait pas de résultats probants 1.
Votre commission d’enquête déplore cette situation qu’elle juge
inadmissible et préjudiciable à l’efficacité de la réponse des pouvoirs publics. Elle
considère que la gravité des menaces auxquelles notre pays est exposé ne saurait
donner lieu à l’exercice de luttes d’influence entre services de police, d’autant
plus incompréhensibles au regard du nombre considérable de dossiers à traiter
qui impose une répartition de la charge de travail entre ces derniers. Elle regrette
que de tels dysfonctionnements, déjà constatés et dénoncés à la suite de l’affaire
Merah2, soient toujours d’actualité deux ans après.
5. Une propagation des idées djihadistes sur Internet qui échappe
au contrôle
Le rôle d’Internet constitue l’une des principales spécificités de la
crise actuelle, ce vecteur jouant un véritable effet de catalyseur dans les
processus de radicalisation et de recrutement. Telle est la caractéristique
majeure qui réunit les Français partis faire le djihad en Syrie, ainsi que le
souligne David Thomson dans son ouvrage précité : « leur seul dénominateur
commun est Internet et la culture des réseaux sociaux dont l’arrivée a profondément
modifié les profils et les codes du mouvement jihadiste français ». Cette diffusion
des idées djihadistes, par le biais d’échanges sur des forums et de diffusion
de vidéos faisant l’apologie du terrorisme, s’appuie sur des sites Internet
traditionnels mais utilise largement les facilités offertes par les réseaux
sociaux qui jouent un effet démultiplicateur.
Comme le notent Olivier Hanne et Thomas Flichy de la Neuville dans
leur ouvrage précité, les organisations terroristes ont pleinement intégré cette
dimension dans leur action en apportant une attention particulière à leur
« stratégie de communication », tant à l’appui de la propagande qu’elles diffusent
que par les moyens qu’elles déploient pour attirer à elles des recrues3, les jeunes
générations étant « particulièrement réceptives à la « connectivité » de Daech, utilisant
les réseaux sociaux et diffusant des vidéos de ses exactions et de ses crimes ». Daech a au
surplus acquis ses propres moyens techniques de diffusion4 pour diffuser
largement ses messages5. Nombre de personnes entendues par votre commission
« En pratique, cela ne fonctionne pas : les dossiers sont entremêlés, et chacun travaille
dans son coin ».
2 Voir Frank Foley, Countering Terrorism in Britain and France: Institutions, Norms and the
Shadow of the Past, Cambridge University Press (14 mars 2013) et son article publié sur le site de
Marianne : “Les failles de l’antiterrorisme français dans l’affaire Merah”.
3 Ainsi que le soulignent les auteurs, les succès de cette organisation terroriste sont en partie liés à
« son savoir-faire médiatique qui sert de relais au recrutement de ses membres et aux
campagnes de terreur contre ses opposants ».
4 Label de vidéo-production, bureaux « provinciaux » de communication.
5 Les auteurs indiquent que l’organisation a été en mesure d’envoyer 40 000 tweets en une journée
lors de la prise de Mossoul.
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