ANNEXE

mis en œuvre ? Quel est le champ de garanties prévues
pour assurer la confidentialité et le respect des droits des
personnes ?, etc. Et c’est très exactement ce qu’attendent
d’elles les citoyens des pays concernés : il s’agit d’éclairer
leur propre analyse avantages/inconvénients qui doit
leur permettre de mesurer à quelles limitations
de leurs droits individuels ils sont prêts à
consentir pour accroître le niveau de sécurité
publique, et donc leur propre sécurité.
Les autorités de contrôle sont rompues à ce genre
d’exercice et elles ne doivent donc pas se laisser entraîner
dans le piège du manichéisme – à condition que les
gouvernants veuillent bien leur délivrer les informations
nécessaires pour leur permettre de formuler leur appréciation en pleine connaissance de cause ! Or, force est
de constater, qu’en ces domaines, certes politiquement
très délicats, nos autorités de contrôle peuvent éprouver
parfois le sentiment de ne pas disposer de la part des
autorités concernées de tous les éléments de contexte
utiles. On imagine les motifs pour lesquels les autorités
gouvernementales de l’ensemble des États peuvent ainsi
être enclines à retenir l’information.
2 – Le risque de l’engrenage
Si l’on prend l’exemple des politiques de sécurité (mais
nous pourrions en dire autant dans le domaine de la
justice, de la politique sociale ou de la santé), on constate
que, en pratique, dans aucun pays on n’a procédé par
la mise en œuvre d’une loi fondamentale, suivie aussitôt
d’un ensemble de textes d’application. Compte tenu de
la complexité et de la sensibilité de ces questions, il est
compréhensible que les pouvoirs publics de nos pays
puissent être contraints de recourir à la pratique du train
des lois successives.
Mais parfois il s’agit, en réalité, d’une véritable
stratégie de contournement à l’égard des autorités
de protection des données. Peu importe d’ailleurs car,
du point de vue du comportement qui doit être le nôtre,
cela ne change rien. Dans tous les cas, nous sommes
confrontés au risque de l’engrenage juridico-politique.
Ce risque est le suivant. L’autorité de contrôle est
saisie d’un projet de loi portant création d’un nouveau
traitement. Conformément aux principes fondamentaux
de finalité et de proportionnalité, elle formule un avis qui
repose sur un équilibre à un instant donné et en admet la
pertinence. Mais quelque temps plus tard, on lui soumet
un nouveau projet de loi qui élargit le champ du traitement
ou accroît sa puissance. Les promoteurs de ce second
texte font valoir que l’autorité de contrôle ayant déjà
donné un accord de principe au premier texte, on voit mal
comment elle pourrait s’opposer à une simple extension, et
ainsi de suite si nécessaire…
Ajoutons que le problème est rendu encore plus aigu
par le fait qu’en la matière, 1 + 1 peut faire 3 ! On veut

dire par là que la conjugaison des dispositions des deux
textes produits peut créer une synergie telle que les risques
engendrés à l’égard de la protection des droits individuels
se multiplient au lieu de s’ajouter seulement.
Ce phénomène est parfaitement illustré par le développement progressif, selon des processus identiques, des
fichiers nationaux d’empreintes génétiques en France et en
Grande-Bretagne. Dans les deux cas, ces fichiers ont été
créés dans un but spécifique : centraliser les empreintes
génétiques de criminels sexuels condamnés afin de
faciliter leur identification en cas de récidive. Puis, on
a augmenté le nombre des personnes concernées, pas
forcément de façon concomitante, ni dans le même texte.
Ensuite, c’est la nature des infractions prises en compte
qui est étendue. Enfin, on diversifie les situations des
personnes vis-à-vis de la procédure pénale : s’agit-il d’une
personne accusée ou simplement mise en cause ? Est-ce
une personne seulement suspectée ? Y a-t-il des indices
graves et concordants ? Ou s’agit-il d’indices graves ou
concordants ? C’est ainsi qu’en quelques années, on est
passé d’un fichier spécifique dédié à la prévention de la
récidive des délinquants sexuels à un instrument général
d’investigation au service de l’élucidation de quasiment
toutes les affaires par la police judiciaire.
Comment réagir face à ce type d’engrenage législatif ?
Question délicate surtout si l’on rappelle qu’elle se pose
sur la toile de fond de l’irréversibilité des phénomènes
décrits plus haut.
3 – L’illusion de « l’exemplarité »
Il s’agit là d’un autre risque qui présente quelques analogies avec le précédent mais qui concerne peut-être plus
particulièrement les pays membres de l’Union européenne,
représentant à eux seuls la moitié des États dans le monde
disposant d’une autorité de contrôle et d’une loi de
protection des données.
Par exemple, de nombreux pays en Europe disposent de
fichiers nationaux de population et font usage d’un seul
numéro d’identification, d’autres pays, tels que la France,
ont fait des choix différents. Tel pays développe puissamment un système de traitement des empreintes génétiques
qui devient une « référence » pour d’autres exécutifs. Tel
autre développe de manière très significative le recours à
la biométrie ou à la vidéosurveillance.
Or, les exécutifs nationaux, prenant appui sur ces
exemples étrangers, ont bien souvent tendance à utiliser
l’argument analogique suivant : « Comment vous, autorité
de contrôle, pouvez-vous vous opposer à tel ou tel
développement de traitement alors que cela a été accepté
dans tel autre pays ? » On devine alors les problèmes
d’harmonisation que cela pose et, en tout état de cause,
on mesure à quel point il est nécessaire de recourir
à des raisonnements fondés sur la définition
de dénominateurs communs.

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