Réflexions sur le motif d’interception « sécurité nationale »

M. Marcel Rudloff, rapporteur, apaisa M. Thyraud qui retira son amendement après les explications suivantes : « Si la Commission pense que M.
Thyraud a raison de s’inquiéter, elle considère toutefois que, s’agissant d’un
concept nouveau qui sera mis en vigueur par une commission non judiciaire, il n’est pas mauvais d’employer une autre expression que pour les
poursuites pénales. C’est la raison pour laquelle la Commission estime qu’il
faut maintenir les termes de sécurité nationale qui sont, comme on l’a rappelé, conformes à la Convention européenne des droits de l’homme, et qu’il
ne convient donc pas de les remplacer par les mots sûreté de l’État, qui
concernent, eux, le droit pénal. »
On le voit, c’est délibérément qu’a été choisi le concept de sécurité
nationale pour définir un des motifs légaux d’interceptions. Ce choix
s’explique par l’article 8 de la Convention européenne qui fonde le droit à
une vie privée et les atteintes exceptionnelles qui peuvent y être portées. En
ce sens l’article 8 de la Convention européenne a trouvé si l’on peut dire sa
transposition en droit interne sous la forme des articles 1er et 3e de la loi du
10 juillet 1991.

Le contenu du concept
Voilà pour l’origine du concept. Il convient maintenant de tenter d’en
préciser le contenu. Même si M. Rudloff a expliqué que le concept ne devait
rien au droit pénal dont il convenait de s’écarter, on notera que, dans
l’exposé des motifs, référence au Code pénal continuait d’être faite à propos
des informations que « le gouvernement juge nécessaire de détenir pour
prévenir les atteintes à la sûreté de l’État au sens du Code pénal dans sa
rédaction actuelle (articles 70 à 103) ».
On s’attachera donc à établir la liste des atteintes incriminées dans
ces articles de l’ancien Code pénal qui définissent, « en creux », la sûreté de
l’État.
Les articles 70 à 85 visent la trahison et l’espionnage ; les articles 86 à
92 les attentats, complots et autres infractions contre l’autorité de l’État et
l’intégrité du territoire national ; les articles 93 à 96, les crimes tendant à
troubler l’État par le massacre et la dévastation ; les articles 97 à 99, les crimes commis par la participation à un mouvement insurrectionnel ; les articles 100 à 103 regroupent des notions diverses (exemption de peine,
non-dénonciation de crime).
Ces articles sont aujourd’hui abrogés mais les incriminations se
retrouvent globalement dans l’actuel livre IV du Code pénal constituant
désormais les « atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ».
Les intérêts fondamentaux de la nation constituent un concept nouveau destiné à remplacer celui de sûreté de l’État qui avait lui même succédé
dans l’ordonnance du 4 juin 1960 à celui de sécurité intérieure et extérieure.

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