Jurisprudence

Arrêt CRAXI c. Italie (no 25337/94). Arrêt 17.7 2003 [Section I] :
En fait : le requérant, ancien président du Conseil italien, fut renvoyé
en jugement en juin 1994 pour corruption. Il s’enfuit en Tunisie. En septembre 1995, le tribunal de Milan autorisa l’interception de ses appels téléphoniques entre la Tunisie et l’Italie. Le procureur remit les procès-verbaux
des conversations interceptées au greffe du tribunal et demanda qu’ils
soient admis comme preuves. Le même jour, il procéda à la lecture
d’extraits de ces conversations lors d’une audience. Les procès-verbaux
furent mis à la disposition des parties immédiatement après. Des extraits
d’un certain nombre de conversations interceptées parurent ensuite dans la
presse, bien que personne n’ait reconnu les avoir divulgués. Le tribunal
accepta un certain nombre de procès-verbaux comme preuves. Le requérant fut condamné.
En droit : article 8 – La lecture en audience puis la divulgation dans la
presse ont constitué des ingérences dans le droit du requérant au respect de
la vie privée et de la correspondance.
a) Divulgation : il est parfaitement compatible avec l’exigence de
publicité des débats énoncée à l’article 6 de rendre compte de procédures
judiciaires. Les médias ont le devoir de communiquer des informations et
idées et le public a le droit d’en recevoir, en particulier lorsqu’elles concernent une personnalité connue. Cependant, l’intérêt public qu’il y a à recevoir
des informations ne concerne que les faits en rapport avec les accusations
en matière pénale dirigées contre l’accusé. En l’espèce, certaines des
conversations parues dans la presse revêtaient un caractère strictement
privé et n’avaient qu’un rapport ténu, voire aucun rapport, avec les accusations pénales. Leur publication par la presse ne correspondait donc à aucun
besoin social impérieux et l’ingérence n’était pas proportionnée. Toutefois,
il se pose la question de savoir si la responsabilité de l’État se trouvait
engagée, la publication ayant été le fait de journaux privés et nul n’ayant
laissé entendre qu’ils aient pu en quoi que ce soit se trouver placés sous le
contrôle des autorités publiques. La Cour juge établi que les informations
provenaient des procès-verbaux déposés au greffe du tribunal. Le procureur n’avait pas décidé de les faire tomber dans le domaine public, car, en
droit interne, le dépôt d’un document au greffe le rend accessible, non au
public, mais seulement aux parties. Dans ces conditions, la divulgation des
conversations n’était pas la conséquence directe d’un acte du procureur
mais plutôt le résultat d’un dysfonctionnement du greffe du tribunal ou de
l’obtention par la presse des informations auprès de l’une des parties au
procès ou de leurs avocats. À cet égard, il y a lieu de déterminer si les autorités ont pris les mesures qui s’imposaient pour assurer la protection effective
des droits du requérant en mettant en place les garanties appropriées et en
menant une enquête effective. Or les autorités ont failli à ces obligations.
Conclusion : violation (6 voix contre 1)
b) Lecture en audience : les exigences procédurales instaurées par le
Code de procédure pénale visaient à fournir aux parties et au juge l’occasion

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