Les débats en cours
infalsifiable. Le temps n’est plus à la rumeur mais à la rationalité. On n’est plus qui on
est parce que cela se dirait ; on est qui on est parce qu’un fichier informatique
l’atteste.
Et le changement est radical : un lien social plus relâché, la crainte de la
fraude, un appétit de rationalité, la multiplication des transactions à distance expliquent la tendance qu’illustre, par exemple, la délivrance de la carte nationale d’identité infalsifiable, véritable « parcours du combattant » tant les preuves à produire
sont nombreuses — que l’on est qui on est, que l’on est bien Français, etc. — et tant
paraît soudainement abolie la force probante de ce que l’on tenait jusqu’alors pour
indiscutable : la présentation de son ancienne carte d’identité, le fait que l’on est inscrit sur les listes électorales, etc.
Les technologies en réseau, et singulièrement Internet, soumettent « l’identité
numérique » à deux tensions contraires.
Une nécessité de s’identifier auprès d’un service distant pour éviter qu’un
autre puisse se faire passer pour soi en accédant indûment à sa messagerie, à son
compte fiscal, à son compte en banque, etc.
Mais aussi l’illusion de pouvoir jouer de son identité en s’avançant sous un
pseudonyme dans les « chats » et les forums ou lorsque l’on se connecte à un site.
« Internet crée de nouvelles frontières, plus difficilement perceptibles, à l’intérieur de
chacun d’entre nous, à la faveur de ces « identités virtuelles » ces « masques » successifs que nous pouvons emprunter sur le réseau, dans un vaste carnaval de « la
cyber-permanence » où nous jouerions entre le vrai et le faux, grisés parce que le philosophe Alain Finkielkraut nomme « la fatale liberté » a-t-il pu être dit 1 durant la
XXXIIIe conférence internationale des commissaires à la protection des données qui
s’est tenue à Paris en septembre 2001.
À cet égard, un sort mérite d’être fait à la réalité de l’anonymat sur Internet.
En effet, si l’utilisation d’un pseudonyme ou la possibilité de se connecter à un site
sans avoir à s’identifier peuvent être préconisées dans le souci de préserver l’anonymat à l’égard de tiers, cet anonymat n’est que relatif. La plupart des pays développés
ont fait — ou font — obligation aux intermédiaires techniques — hébergeurs, fournisseurs d’accès — de conserver trace de nos connexions au réseau à des fins de sécurité, de police, de lutte contre la délinquance, le crime ou le terrorisme. Chacun peut
tenter de se dissimuler — sans doute plus aisément sur Internet qu’ailleurs — mais précisément, les risques attachés à une telle dissimulation conduisent les États à mettre
en œuvre un repérage technique de chacune de nos connexions. Le site de
connexion, le forum ou le « chat » peuvent ne pas vous identifier, mais l’heure, la
date de connexion et l’adresse « IP » qui aura été attribuée par le fournisseur d’accès
à la connexion en cause seront conservées afin de permettre, le cas échéant, d’identifier l’ordinateur de l’utilisateur concerné.
Le discours sur l’identité numérique ne doit pas dissimuler les enjeux liés à la
concentration de certaines de nos données personnelles entre de mêmes mains.
1 Discours inaugural du président Michel GENTOT
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CNIL 22 rapport d'activité 2001