Délibérations adoptées en 2001
Il résulte clairement de l’ensemble de ce dispositif que dès lors qu’un acte ou
une décision (y compris ceux revêtant un caractère nominatif) sera considéré
comme « donnée essentielle », sa mise en ligne obligatoire sera de droit,
sauf exception posée par décret en Conseil d’État après avis de la CNIL.
— Les enjeux
Au regard de la protection des données personnelles et de la vie privée, on
peut s’interroger sur le point de savoir si, d’une part, dans la généralité de
ses termes, l’obligation qui serait faite de diffuser sur Internet toute donnée
« publique », y compris des données personnelles, a suffisamment pris en
compte les spécificités liées à un mode de diffusion tel qu’Internet et, d’autre
part, si la réserve faite, par exception, pour certains actes et décisions, au
motif de risques particuliers que leur utilisation pourrait faire peser sur les libertés individuelles, constitue une garantie suffisante.
En effet, la diffusion d’une information sur Internet réalise un changement
d’échelle tout à fait considérable. Toute information diffusée sur Internet devient accessible au plan mondial, et, surtout, les possibilités de duplication
et de capture de l’information sont sans limite et ne peuvent être contrôlées.
Ainsi, non seulement un site d’information peut être copié à l’infini et stocké
sur une multitude de serveurs informatiques sans que le responsable de la diffusion initiale le sache, mais il est également possible, grâce aux prouesses
des moteurs de recherche, d’accéder à l’information sans même connaître
l’existence du site de diffusion.
Ainsi suffit-il d’indexer le nom d’une personne physique sur un moteur de recherche pour obtenir l’ensemble des informations la concernant diffusées sur
Internet à partir de sites géographiquement épars ou de nature différente.
Ce qui est techniquement possible lorsqu’une recherche documentaire via
Internet est entreprise sur Rabelais, l’est aussi lorsqu’il s’agira de se renseigner sur un candidat à l’emploi ou à un logement, sur un voisin ou un proche,
sur un demandeur au crédit, et ce, à l’insu des personnes concernées.
Souligner ces caractéristiques techniques manifeste qu’au-delà des « risques
particuliers » qu’une telle diffusion d’informations nominatives est susceptible de présenter au regard des libertés individuelles, et qui justifieraient
alors le dispositif d’exception par décret en Conseil d’État pris après avis de
la CNIL, la diffusion d’une information se rapportant à une personne physique génère un risque « très ordinaire » mais permanent — dès lors qu’il
peut suffire d’une diffusion de quelques minutes sur Internet pour générer la
duplication et la conservation de l’information en cause, sans limite contrôlable de durée et sur une multitude de serveurs — de réutilisation des informations à l’insu des personnes concernées et étrangère à la finalité de
publicité qui a pu, un instant, être recherchée.
Pour n’évoquer que quelques exemples « d’actes ou de décisions pris au
nom d’une personne publique qui sont soumis à une obligation de publicité
en vertu de dispositions législatives ou réglementaires » et qui devraient, à
suivre le projet de loi, être mis en ligne par les administrations ou collectivités publiques concernées, sauf intervention d’un décret dérogatoire en Conseil d’État : un jugement portant sur un licenciement pour faute grave, un
homicide involontaire, la responsabilité professionnelle d’un praticien, un
contentieux fiscal, etc., est naturellement soumis à une obligation de publicité, de même que le rôle des impôts (articles L. l04 et L. 111 du Livre des procédures fiscales), la liste électorale qui comporte la date de naissance et
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CNIL 22 rapport d'activité 2001