Avant-propos
consacré aux « débats en cours », la question de « l’identité numérique », laquelle
doit d’abord être perçue comme un marché qui s’ouvre sous l’effet conjugué de la
standardisation des protocoles et de la convergence, le défi de « l’administration
électronique » dont un projet du ministère de l’Économie, des Finances et de
l’Industrie préfigure, sous le programme « Copernic », quelques grandes tendances,
mais aussi l’essor de la biométrie que les progrès technologiques et la baisse des
coûts font sortir du champ policier auquel elle était jusqu’alors principalement cantonnée. Les développements consacrés aux techniques de reconnaissance des visages donnent la dimension des problèmes éthiques nouveaux auxquels nous pourrions
être confrontés. Dans un tout autre domaine, la multiplication des fichiers communs
de lutte contre la fraude, notamment au crédit, appelle sans doute à une intervention
législative, à défaut de laquelle le développement de véritables « listes noires » propices à de nouvelles formes d’exclusion sociale serait à redouter.
D’importantes modifications législatives intervenues ces derniers mois
paraissent également attester ce temps de la maturité dans des domaines aussi sensibles que le droit d’accès des malades à leur dossier médical, la consultation des
fichiers de police judiciaire dans le cadre de certaines enquêtes administratives de
moralité des candidats à l’exercice de missions de sécurité ou de défense, l’extension
du fichier des empreintes génétiques à des fins criminelles ou la délicate question de
la conservation des données de connexion à Internet. Les avis de la CNIL, lorsqu’ils
ont été sollicités sur ces projets, ont quelquefois été suivis ; ils ont toujours pesé.
L’essentiel, surtout après les événements si dramatiques du 11 septembre
2001, n’est-il pas que l’Europe, et la France parmi les premières, ait donné l’exemple
en instituant une autorité indépendante chargée de veiller aux incidences multiples
des nouvelles technologies sur le respect de notre vie privée mais aussi sur les libertés
individuelles ou publiques, comme le proclame l’article premier de la loi du 6 janvier
1978 ? Non pas qu’il s’agisse pour les États de déléguer le pouvoir de décision que
leur confère la légitimité démocratique. Pas davantage qu’il convienne de préférer
l’expertise au débat public. Mais bien parce qu’il s’agit, dans des champs de plus en
plus divers, de positionner le curseur au plus juste de l’équilibre entre « sécurité » et
« liberté ». À cet égard nous devons nous réjouir que des États, de plus en plus nombreux, s’imposent de recueillir l’avis ou le sentiment d’une autorité moins directement
soumise aux contingences du temps ou de l’opinion avant d’arrêter des décisions
qu’il leur appartient de prendre.
Tels étaient en tout cas les enseignements de la 23e conférence internationale des commissaires à la protection des données que la CNIL a accueilli à Paris du
24 au 26 septembre 2001 et qui, au moment où résonnait l’écho du monde, a témoigné de cette commune conviction.
Il reste à souhaiter que ce temps de la maturité permette, maintenant sans tarder, que soit définitivement adoptée une loi « informatique et libertés » actualisée et
rénovée, transposant la directive européenne du 24 octobre 1995 et permettant à la
Commission d’exercer les missions qui lui sont confiées avec la vigueur nouvelle
qu’appellent les enjeux de notre temps.
Michel GENTOT
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CNIL 22 rapport d'activité 2001