Les six premières années d’exercice de la CCSDN nous ont
appris deux choses. D’une part, cette commission a su faire
preuve d’une indépendance manifeste sans pour autant
menacer la sécurité nationale. D’autre part, le nombre très
important des déclassifications qu’elle a proposées au fil de ses
saisines prouve combien la sur-classification demeure
fréquente en France et peut faire indûment obstacle au fonctionnement de la justice.
Dès lors, il n’y aurait que des avantages à ce que, dans une
nouvelle étape, cette commission se transforme ou cède sa
place à un vrai juge du secret. Son intervention rendrait
complètement légitimes les véritables secrets qui servent à
notre sécurité (puisque ce juge pourrait en apprécier la nécessité) et ancrerait définitivement dans le droit ce qui, depuis la
loi du 8 juillet 1998, n’est encore qu’un moyen – utile mais
fragile – de concilier secret et démocratie.
Nota : ce texte est une version revue et développée du point
de vue publié sous le même titre dans la revue Armées d’aujourd’hui, n° 292, juillet-août 2004, p. 55.
Enfin, ce juge du secret pourrait être sollicité pour mettre un
terme à un état de fait – certes peu fréquent mais pour autant
indigne d’une nation démocratique – où un prévenu peut être
condamné pour violation du secret de défense sans que le juge
répressif, qui doit décider de sa culpabilité, puisse effectivement vérifier la matérialité (voire la pertinence) de la classification de l’information concernée. Ici, l’intervention d’une
commission consultative quelle que soit son indépendance,
n’est pas suffisante. Seule une juridiction, même distincte de
celle du jugement, pourrait apporter les garanties requises, et
supprimer cette atteinte manifeste aux principes essentiels du
droit pénal.
Même si la conciliation d’un tel dispositif avec le principe de
contradictoire sera nécessairement complexe, l’indépendance
dont la CCSDN témoigne depuis sa création montre qu’il est
possible de s’engager dans cette voie. Et l’importance des

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