est pas moins indigne d’une nation démocratique – où un
prévenu peut être condamné pour violation du secret de
défense sans que la juridiction, qui décide de sa culpabilité,
puisse vérifier la matérialité ou la pertinence de la classification
concernée. Dans un tel cas, la CCSDN actuelle n’a pas vocation à intervenir de par la loi et il serait paradoxal que pour
obtenir son avis sur le secret qu’il a pour mission de protéger, le
juge répressif soit obligé d’en demander la déclassification
pure et simple. Seule l’intervention d’un juge indépendant,
même distinct de la juridiction de jugement, pourrait apporter
les garanties requises et supprimer cette atteinte manifeste aux
principes essentiels des droits de la défense.
Envisager ainsi la création d’une telle juridiction du secret
heurte, évidemment, un tabou que la création de la CCSDN
visait à conjurer : celui de l’accès de la justice au secret de la
défense nationale. Par ailleurs, je ne mésestime pas la difficulté
qu’il y aura à concilier une telle évolution avec le respect –
fondamental – du principe du contradictoire. Mais d’autres
États démocratiques (comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou
les États-Unis 6) paraissent avoir trouver les moyens d’assurer
un tel équilibre. Et la Cour européenne des Droits de l’homme
(CEDH) elle-même admet désormais que le juge puisse, sous
certaines conditions, disposer d’éléments de preuve non révélés à la défense 7. Maintenir, au motif de respecter les droits de
la défense, un pouvoir absolu d’opposer au juge le secret de
défense, constituerait en réalité une solution hypocrite qui
pourrait porter atteinte à cet autre principe fondamental qu’est
le droit au procès équitable 8.

6. Cf. notamment l’étude du service des affaires européennes du Sénat, Le secret de la
défense nationale devant le juge, février 1998.
7. Il suffit que l’on puisse établir, malgré la non-production des pièces à la défense,
que « le processus décisionnel a respecté autant que faire se peut les exigences du
contradictoire et de l’égalité des armes et comporté des garanties adéquates », garanties
qui peuvent – par exemple – résulter du fait que les questions que la défense
« souhaitait poser l’ont été par le juge à huis clos » (CEDH, 25 septembre 2001, P.G. et
J. H – Royaume-Uni, n° 44787/98).
8. Cf. dans ce sens, la conclusion de l’article du Pr. Olivier Gohin, « Contradiction et
secrets protégés par la loi au cours de l’expertise devant le juge administratif », revue
Experts, n° 63, juin 2004.

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