Vers un véritable juge
du secret ?
Bertrand Warusfel 1
Les raisons qui rendaient nécessaire en 1998 la mise en place
d’un contrôle de l’utilisation du secret de défense sont
aujourd’hui encore plus impérieuses, qu’il s’agisse de la suspicion croissante des médias et de l’opinion vis-à-vis des prérogatives publiques, ou encore des risques potentiels de
dérapage dans certains domaines sensibles.
La création de la CCSDN a sans doute évité que le secret de
défense soit uniquement perçu comme un obstacle au déroulement de la justice et qu’il perde, de ce fait, toute légitimité. Et
en suivant systématiquement les avis de la Commission, les
ministres concernés lui ont donné une autorité dont elle use
avec profit pour promouvoir un usage modéré du secret.
Mais on peut douter qu’un tel dispositif consultatif puisse
suffire longtemps à apaiser les inquiétudes et à équilibrer les
intérêts en présence. On peut, au contraire, estimer qu’à plus
ou moins brève échéance, la logique voudra que cette
Commission évolue pour devenir un véritable « juge du
secret ». On sait d’ailleurs que la frontière entre une autorité
administrative indépendante et une juridiction spécialisée
n’est pas infranchissable 2 et que le Conseil d’État n’avait pas
1. Bertrand Warusfel, docteur en droit, est maître de conférences à l’université Paris V
et avocat à la cour d’appel de Paris. Il est notamment l’auteur de Contre-espionnage et
protection du secret – histoire, droit et organisation de la sécurité nationale en France,
paru aux éditions Lavauzelle en 2000.
2. L’exemple du Conseil de la concurrence en témoigne.
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