Ce phénomène dépasse désormais largement les limites des banlieues. La
France apparaît même comme le seul pays d’Europe à subir la résurgence
d’un proxénétisme national disparu à la fin des années 1990(17).
Les services d’enquête, pourtant très investis, ne parviennent pas à
endiguer ce phénomène. Celui-ci est encore trop faiblement identifié, les
signalements aux services de police judiciaire sont largement insuffisants.
Les services répressifs, les communes, les établissements scolaires, les
associations sont en effet confrontés à deux difficultés majeures : la
banalisation des relations sexuelles et le consentement revendiqué par
les jeunes victimes qui finissent malgré tout sous le joug de proxénètes, à
peine plus âgées qu’elles (13 % des auteurs de proxénétisme sont mineurs).
Celles-ci refusent d’être regardées comme des victimes, revendiquent le
statut d’« escort ». Elles rejettent le terme de proxénète, lui préférant celui
de « protecteur ». La prostitution devient un moyen d’exister socialement,
d’accéder à un certain train de vie, de consommer dans l’instant des produits
de valeur (vêtements, maroquinerie…) ou de parvenir financièrement à
quitter le domicile familial. Au travers de ce phénomène, s’esquissent des
schémas qui interrogent forcément sur la place des femmes mais aussi des
hommes portés par une génération très marquée par son rapport à l’image.
Si des actions ont d’ores et déjà été mises en œuvre, il conviendrait d’en
améliorer certaines et d’en compléter d’autres. Des actions de formation
dédiées au phénomène du proxénétisme et de la traite des êtres humaines
(TEH) ont été mises en place à destination des enquêteurs. Le ministère
de la justice (circulaire du 22 janvier 2015) préconise, de son côté, un
recours accru par les parquets à la qualification pénale de traite des êtres
humains qui permet d’utiliser à des outils procéduraux plus adaptés en
matière d’entraide pénale internationale. Le dispositif de protection des
collaborateurs de justice a été étendu aux victimes de proxénétisme (70640-1 du code de procédure pénale) et à certains témoins (706-62-2 du code
de procédure pénale).
Compte tenu de la thématique, les pistes d’amélioration envisagées visent
avant tout à développer des outils interministériels, associant au ministère
de l’Intérieur, la Justice, l’Éducation nationale et la Santé. La mise en place
d’un programme de prévention à destination des adolescents aurait pour
objet des actions de sensibilisation au collège et au lycée qui pourraient
être déployées, à l’instar des dispositifs relatifs aux risques liés à l’utilisation
d’Internet et à l’usage de stupéfiants. Le développement d’actions de
sensibilisation auprès des acteurs publics et privés, notamment les hôteliers,
permettrait de renforcer le circuit des signalements. Le déploiement
d’actions de formation au profit des enquêteurs, notamment lorsqu’ils
n’appartiennent pas à un service spécialisé serait souhaitable. Un état des
lieux annuel mériterait d’être dressé régulièrement par un service dédié,
lequel se chargerait de centraliser l’ensemble des données recueillies en la
matière par les services de police et de gendarmerie. Le développement
d’outils adaptés facilitant le signalement auprès des services enquêteurs doit
être envisagé. Ces outils (fiches réflexes) seraient adressés aux partenaires
institutionnels et privés. Par voie de circulaire interministérielle, la politique
publique de lutte contre la traite des êtres humains, le proxénétisme et
les infractions associées pourrait utilement être définie. Actuellement
les commissions départementales de lutte contre la prostitution sont
incompétentes en matière de prostitution des mineurs. Les prostituées
17
88
Jean-Marc DROGUET, chef de l’OCRETH.