Les concertations réalisées dans le cadre de la préparation du livre blanc
auprès des personnels de sécurité permettent de dresser un constat qui
n’est pas nouveau, mais reste préoccupant sur l’état d’esprit dans lequel ils
exercent leurs fonctions.
Ils expriment d’abord un niveau d’attente important pour que soit
formalisé, explicité le sens donné à leurs missions à la fois en raison du
niveau d’exigence élevé de celles-ci, mais aussi en raison du sentiment à
plusieurs reprises exprimé d’un empilement des priorités, sans que la
logique d’ensemble leur soit toujours perceptible.
La question de la reconnaissance professionnelle, de la considération par
leur hiérarchie et par l’opinion sont également très présentes, comme l’est
la persistance d’une forte insatisfaction sur les conditions matérielles dans
lesquelles ils exercent leur activité.
Il ne serait pas pertinent ni fondé de généraliser l’expression de ce malaise,
mais simplement de prendre acte du fait qu’il est toujours présent.
Or, depuis plus de 15 ans, les gouvernements successifs ont consacré
d’importants moyens budgétaires à l’amélioration des déroulements de
carrière et à la revalorisation des rémunérations des personnels de police,
avec une transposition à ceux de la gendarmerie nationale depuis que ces
derniers ont rejoint le ministère de l’Intérieur. La plus emblématique de
ces mesures est le passage des gardiens de la paix de la catégorie C à la
catégorie B.
Ces efforts conséquents et plusieurs fois renouvelés n’ont pourtant pas
permis de répondre entièrement aux attentes des personnels, qui estiment
encore aujourd’hui ne pas être suffisamment reconnus dans l’exercice de
leurs fonctions.
Dans le même temps, plusieurs phénomènes se conjuguent pour rendre
l’exercice du métier de sécurité intérieure plus complexe et plus exigeant
: le maintien à un niveau élevé de la menace terroriste, la charge accrue
liée à la crise migratoire, la multiplication des manifestations violentes sur
la voie publique, et la gestion de la pandémie de coronavirus placent les
policiers et les gendarmes devant un degré d’exigence élevé tant de la part
des pouvoirs publics que de la population.
Les moyens conséquents accordés aux revalorisations des carrières ne
constituent pas, ou plus, la réponse appropriée aux attentes des personnels,
et ce d’autant que les moyens budgétaires consacrés à l’investissement et
au fonctionnement des services de police et de gendarmerie se sont érodés,
malgré les plans récents de renforcement des équipements élaborés dans
le cadre de la lutte contre le terrorisme.
La croissance des moyens budgétaires accordés aux dépenses de
personnel a en outre conduit à accroître la part relative de celles-ci dans
le budget global, au détriment des crédits d’équipement, et des dépenses
d’investissement, comme le souligne la Cour des Comptes dans sa note
d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission sécurités au titre du
budget 2019. La part croissante des dépenses de personnels, qui s’établit
en 2019, selon la Cour, à 85,8 % du budget, en augmentation de 3,7 % par
rapport à 2018, « se fait au détriment des dépenses d’équipement », ce qui
plaide, selon elle, pour une « nouvelle approche des réponses à apporter
en matière de sécurité intérieure ».
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