Livre blanc de la sécurité intérieure

1.1. Enracinées ou en mutation, les différentes formes de la délinquance
modifient le rapport à la sécurité
Si les menaces ne sont pas toujours fondamentalement nouvelles, ce sont
leurs vecteurs (mobilité accrue des biens et des personnes, itinérance des
délinquants, nouvelles technologies), leur temporalité, leur spatialisation
(sur tout le territoire physique et numérique), leur capacité de propagation
et donc leurs effets et leur perception (insécurité, sentiment d’abandon ou
de relégation) qui le sont. Par ailleurs, de profondes mutations de la société
(démographiques, géographiques, rapport à l’autorité, « judiciarisation »,
numérisation) caractérisent le champ dans lequel s’inscrit l’action des
forces de sécurité intérieure.
1.1.1. Réduire la délinquance du quotidien reste une priorité
L’insécurité du quotidien s’exprime notamment par la commission
d’incivilités qui perturbent la vie ordinaire de la population. Ces
manquements aux règles du comportement de la vie en société et au
partage de l’espace public prennent des formes diverses : nuisances
sonores, occupations de la voie publique, conflits de voisinage, dépôts
d’ordures sauvages, épaves de voitures sur la voie publique, dégradations,
etc. La délinquance figurait au 6e rang des priorités des Français en 2019(2).
Ces agissements sont hétérogènes et recouvrent des actes de délinquance
de faible intensité ainsi que des comportements ne relevant pas
nécessairement du champ pénal. Par leur caractère diffus, ils sont difficiles
à appréhender et à sanctionner. Les incivilités constituent en effet une zone
grise entre la police administrative et la police judiciaire (les spécialistes
parlent du niveau infra pénal) qui affectent fortement la qualité de vie
collective.
Les incivilités présentent la difficulté de constituer des actes pouvant être
perçus comme mineurs, dont l’impact auprès de ceux qui les subissent peut
être majeur. L’écart entre réalité et perception est un enjeu pour la réponse
institutionnelle qui risque d’être accueillie par les plaignants comme
insuffisante ou inadaptée. Quand elles sont répétées, ou encore commises
en réunion, les incivilités peuvent ouvrir la voie de la délinquance. Il en
ressort également un sentiment d’impunité chez leurs auteurs, qui vient
renforcer le sentiment d’abandon de ceux qui les subissent.
La concertation organisée sur l’ensemble du territoire national dans le cadre
des assises territoriales a souligné les fortes attentes de la population et des
élus dans ce domaine. Ceux-ci réclament une meilleure prise en compte
des incivilités par tous les acteurs de la sécurité et une réponse ferme
permettant de mettre un terme à des faits, certes de faible gravité, mais
qui constituent la forme la plus visible de l’insécurité et de la perturbation
du vivre ensemble. Ici aussi, l’action partenariale et complémentaire de
l’ensemble des acteurs du continuum de sécurité s’impose.
D’autres formes de délinquance du quotidien s’expriment, en particulier
celles liées aux trafics de produits stupéfiants. Autrefois réservé aux
réseaux de criminels expérimentés, celui-ci irrigue désormais la criminalité
et la délinquance locales, marquées par le deal de proximité qui alimente
l’économie souterraine, déstabilisant certains quartiers de métropole et
d’Outre-mer.
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Enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS)

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