Un dispositif de pré-plainte en ligne existe depuis 2008. Mais son champ est
resté limité à des catégories d’infractions contre auteur inconnu. Par ailleurs,
la démarche en ligne doit obligatoirement être suivie d’un déplacement
physique pour acquérir force juridique, quelles que soient les circonstances
ou l’utilité d’un entretien pour l’enquête. Malgré ces limites, la demande est
forte, et 469 250 pré-plaintes ont été déposées en 2018. Manifestement,
ce dispositif, qui a constitué un progrès dont l’expérience acquise sera
précieuse, ne suffit plus au regard des possibilités de la technologie et de la
maturité des comportements en ligne. C’est pourquoi, au printemps 2019,
le Président de la République a demandé aux ministres de l’Intérieur et de
la Justice de préparer un télé-service de plainte en ligne de plein exercice,
sur un large périmètre d’infractions.
Ce chantier s’avère toutefois particuli��rement délicat sur le fond.
La plainte pénale ne saurait être banalisée à l’excès. La plainte est un acte de
droit sérieux qui engage juridiquement son auteur. La mise en cause d’une
personne visée par une plainte peut déboucher sur des conséquences
graves et parfois irréversibles pour elle. Sans jamais fragiliser davantage
la situation des victimes, le dépôt de plainte doit toujours être l’occasion
d’identifier d’éventuelles contradictions.
Dans de nombreuses situations, l’état psychologique et émotionnel de la
victime doit être pris en compte, et le questionnement à la fois empathique
et rigoureux peut aider à la verbalisation d’éléments indispensables à
l’enquête. La conversation entre le plaignant et l’enquêteur peut conduire
à une meilleure distinction, entre les faits établis et les éléments de ressenti
relevant d’interprétations à vérifier.
En résumé, la médiation numérique et l’absence d’interaction physique
constituent un terrain nouveau pour la prise de plainte, dont le déploiement
nécessite des précautions particulières. Il rencontrera sans doute des
bornes, soit en raison de la nature des faits, soit en fonction du contexte,
soit par rapport à la victime.
Ce chantier est également techniquement assez lourd, car le téléservice
doit s’interfacer avec les logiciels de travail des enquêteurs, eux aussi en
cours de refonte. Après des études préliminaires, une équipe a été mise
en place le 1er janvier 2020 pour conduire le projet. Elle proposera un
périmètre quant au champ infractionnel concerné et engagera les travaux
informatiques de développement du télé-service. L’interconnexion avec les
logiciels de rédaction de procédures utilisés par les enquêteurs policiers et
gendarmes justifie une synchronisation des calendriers, soit un débouché
prévu entre 2021 et 2022.
Proposition :
Un téléservice de dépôt de plainte, sur un périmètre d’infractions
à définir, sera développé d’ici à 2022, et synchronisé avec la
dématérialisation de la procédure d’enquête pénale sur l’ensemble de
la chaîne « intérieur-justice ».
Le ministère de l’Intérieur travaillera en lien étroit avec la Délégation
interministérielle de l’INA et la DNUM devra s’assurer du concours
nécessaire de la DILA, service du premier ministre développant
habituellement les interfaces « usagers » des télé-services des ministères.
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